Pour le premier Café philosophique organisé au niveau national, l'association Mosaïque a convié, samedi dernier à la salle des conférences de la maison de la culture Ahmed Redha Houhou de Biskra, Ahmed Dellabani. Ecrivain prolifique, penseur ami d'Adonis et professeur de philosophie depuis de longues années, l'invité du jour a présenté son 6e livre intitulé Les clefs de la ville de Troie, édité en Syrie, dans lequel il explique la chute des idéologies dominantes, le repli des sociétés dites modernes sur elles-mêmes, l'essaimage du sexisme, du racisme et de la xénophobie, de l'exclusion de l'autre, la radicalisation des idées et les effets néfastes du choc des civilisations et des religions. «Les sociétés appartenant à l'aire géographique arabo-musulmane ont des questions à se poser et des problématiques à résoudre si elles veulent perdurer et influer sur le cours des événements mondiaux. Même si des Bernard Henry Lévy, Finkelkraut et dernièrement des Onfrey extrapolent et interprètent des parties du Coran pour diffuser des discours alarmistes dans les médias occidentaux, l'Islam n'est pas une boîte de Pandore, ni une religion de violence et de haine, mais plutôt de paix, de tolérance et de dialogue. Les pensées et les idées essentialistes propagées çà et là sont loin des préceptes du siècle des lumières, mais un retour vers l'obscurantisme moyenâgeux assis sur l'exclusion et les fausses croyances rejetées par Voltaire, Ibn Rochd, El Mahari et d'autres illustres penseurs», a dit en substance l'orateur, avant qu'un débat à bâtons rompus se noue avec un public, venu, contre toute attente, en nombre, participer à ce Café-Philo, qui a tenu toutes ses promesses, a-t-on constaté. Ahmed Dellabani a profité de cette tribune pour dénoncer le secteur de l'édition en Algérie, où «il n'y a pas d'éditeurs encourageant la création littéraire et faisant la promotion des écrivains, mais juste des entreprises d'imprimerie, du moins 90% d'entre elles, attendant les contrats et les subventions étatiques. Mais ne vous en faites pas, les talents finissent par être reconnus, si ce n'est pas en leur pays, la consécration leur viendra de l'étranger», a-t-il lancé à l'endroit d'un intervenant, qui avait fait remarquer que Biskra était le cimetière des artistes et des écrivains. A noter que le concept des Cafés philosophiques est apparu en 1992 en France sous l'impulsion de Marc Sautet, qui voulait mettre à la disposition de tous les citoyens un espace de réflexion collective, de liberté de penser et d'expression autonome, ouvert à tout groupe religieux, politique ou dogmatique écartant toutes formes de prosélytisme et de propagande. Reprenant l'un des articles de la Charte des cafés philosophiques, Mohamed Slimani, président de l'association Mosaïque, coorganisatrice de cet événement avec la direction de la culture de Biskra, a rappelé que cet espace est le creuset où toutes les problématiques et les préoccupations d'ordre sociétal peuvent être discutées, afin d'arriver à une pratique citoyenne de la philosophie tournée vers l'humain, la cité et un progrès véritable maîtrisé et choisi par tous. Fier du succès de cette première édition, il a émis le souhait de multiplier ce genre de rencontres baptisées du nom du penseur et philosophe Koribaâ Enebhani et de soumettre un dossier d'adhésion à l'Organisation internationale des Cafés philosophiques (OICP), à l'instar des Tunisiens de Liber-thé, a-t-on appris.