L'Algérie n'a exporté vers l'Europe que 14 milliards de dollars de produits hors hydrocarbures contre un flux de produits européens de l'ordre de 220 milliards de dollars. La 10e session du Conseil d'association a livré ses résultats sans apporter de réponse sur l'inquiétante question du déséquilibre commercial entre l'Union européenne (UE) et l'Algérie. Un déséquilibre en faveur d'une partie européenne qui a de surcroît critiqué les mesures du gouvernement algérien pour limiter les importations. Ce déséquilibre pourrait même connaître des cimes, si l'économie nationale demeurait dépendante de la vente des hydrocarbures d'ici 2020, date prévue pour le démantèlement tarifaire complet avec l'UE. Est-il trop tard pour renégocier les clauses de l'Accord d'association ? De l'avis d'experts contactés hier, l'espoir reste permis, mais il y a urgence à agir et à diversifier l'économie nationale. Cette asymétrie dans l'application de l'accord «suppose une révision du paradigme de partenariat qui n'a pas fonctionné», estime Mustapha Mekidèche, expert économique et vice-président du Conseil économique et social. L'expert rappelle que l'Algérie n'a exporté vers l'Europe que 14 milliards de dollars de produits hors hydrocarbures contre un flux de produits européens de l'ordre de 220 milliards de dollars. «C'est à l'évidence une asymétrie qui n'a pas été corrigée dans ces dix années d'application de cet accord et à chaque fois que l'Algérie avait essayé d'exporter autre chose que les hydrocarbures, elle s'est vue opposer des règles de distorsion à la concurrence comme dans le cas de l'exportation d'engrais liquides», regrette M. Mekideche. Notre interlocuteur déplore d'ailleurs qu'en pleine crise budgétaire et chute des prix des hydrocarbures, l'UE a critiqué la mise ne place par l'Algérie d'obstacles tarifaires. «Nous sommes dans une situation d'urgence pour nos équilibres extérieurs… Il faut mettre tout cela à plat et qu'il y ait réellement une démarche qui soit favorable à l'Algérie, d'autant que sur le plan politique notre pays s'apprête à adhérer aux mécanismes de voisinage mis en place par l'UE», dit-il en notant que lors de cette 10e session du Conseil d'association, l'Algérie a fait face au principe de réalité. «On ne pouvait pas obtenir plus, mais la problématique est toujours ouverte, on verra à l'épreuve des faits… Pour le moment les choses ne se traduisent pas sur le terrain par une diminution de cette asymétrie dans nos échanges», souligne Mustapha Mekideche en signalant que l'Algérie vit le même déséquilibre dans ses échanges avec la Chine. «Il y a une nécessité aujourd'hui à avoir des investissements et de pouvoir développer une économie hors hydrocarbures puissante», indique notre interlocuteur en précisant qu'il n'est pas trop tard pour réviser l'Accord d'association car l'UE est un partenaire commercial structurel. Brahim Guendouzi, enseignant expert en économie, relève pour sa part la nature complexe de l'Accord d'association. «2020 c'est pour bientôt, cet aspect n'a pas été abordé lors de cette session. Il faut savoir que tous les produits industriels seront affranchis de toute tarification douanière, sauf les produits agricoles pour lesquels l'accord prévoit une renégociation à moyen terme… Il faut impérativement revoir la politique commerciale de l'Algérie avec une approche permettant de mieux appréhender cette échéance de 2020. Des formules peuvent être trouvées pour éviter un démantèlement total, comme la clause de l'OMC qui prévoit des mesures dans les cas de marchés déstabilisés ou dans une situation d'industrie naissante pour autoriser le recours à des mesures protectionnistes. Et c'est dans ce sens qu'il faudra renégocier avec la partie européenne», estime M. Guendouzi. Qualifiant la 10e session de globale, l'expert économique considère qu'il est impératif de revenir, dans les mois qui viennent, sur la question commerciale qui semble avoir été éludée.