Déjà condamné et ayant purgé une peine de prison dans la fameuse affaire BRC, Abdelmoumen Ould Keddour, à l'étonnement général, succède depuis hier à Amine Mazouzi, à la tête de Sonatrach. Amine Mazouzi n'est plus PDG de Sonatrach. Le ministre de l'Energie, Noureddine Boutarfa, a décidé de le remplacer — à l'issue d'une réunion du conseil d'administration du groupe Sonatrach, tenu hier — par Abdelmoumen Ould Kaddour, un manager au passé trouble ayant été notamment condamné par la justice pour des faits avérés de corruption en tant que PDG de Brown and Rooth Condor (BRC), une entreprise mixte algéro-américaine dissoute en 2007 suite à l'un des plus gros scandales financiers qu'a connu le secteur. L'homme, proche de l'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil, est ainsi réhabilité d'une manière ostentatoire et propulsé, à la surprise générale, à la tête du groupe Sonatrach avec pour mission d'«agir en toute responsabilité et en toute confiance en vue de mettre en œuvre les changements qualitatifs permettant à Sonatrach d'évoluer et de prospérer dans un climat d'entreprise serein propice à la prise d'initiative et de décision», selon un communiqué rendu public, hier, par le ministère de l'Energie. Noureddine Boutarfa a également invité le nouveau Pdg et les hauts responsables de Sonatrach «à faire preuve d'un engagement sans faille pour préserver les intérêts de Sonatrach et à faire évoluer les pratiques managériales et productives pour rendre la compagnie capable de s'adapter aux changements de son environnement». Le ministre de l'Energie «a également témoigné de son soutien, le soutien des plus hautes autorités du pays et à leur tête son Excellence le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui souhaite que Sonatrach renoue avec la sérénité, la cohésion et l'exemplarité», poursuit le communiqué. Les rédacteurs du communiqué se gardent cependant de dérouler le CV peu reluisant du nouveau PDG, passant sous silence ses anciennes fonctions et ne mentionnant que sa formation de polytechnicien diplômé du Massachusetts Institute of technologie (Etats-Unis). Le dégommage surprise d'Amine Mazouzi intervient deux jours après la publication d'un bilan plutôt positif du groupe Sonatrach — arrêté à fin février — et faisant état d'une amélioration de la plupart des indicateurs, notamment en termes de progression des capacités de production. Le désormais ex-PDG du groupe avait en effet réussi à réaliser, malgré une conjoncture difficile, des résultats en hausse, notamment en termes de valorisation de la production, du reste principale directive du Premier ministre Abdelmalek Sellal aux responsables de Sonatrach au lendemain de la nomination d'Amine Mazouzi à la tête du groupe Sonatrach, en mai 2015. Une directive que le responsable de Sonatrach semblait vouloir appliquer à la lettre, oubliant, selon certains avis, la mission de manager accompli qu'il était censé assumer en dynamisant toutes les structures du groupe. De nature plutôt réservée, il disait à ses proches collaborateurs qui le pressaient de soigner notamment sa politique de communication : «J'ai été nommé par les pouvoirs publics pour augmenter la production et améliorer les résultats de Sonatrach, c'est ma priorité.» Une attitude qui émanait d'un homme de terrain ayant eu du mal peut-être à déléguer des compétences d'ingénieur au profit de pratiques managériales «offensives» tel que semble le revendiquer aujourd'hui le ministère de l'Energie et sans tenir compte des interconnexions politiques et des directives qui pèsent sur le groupe Sonatrach, malgré une relative autonomie de décision garantie par les textes. L'absence du ministre de l'Energie à Bir Rebaa-Nord, à Ouargla, où s'est tenue samedi une exceptionnelle réunion du conseil d'administration du groupe italien ENI laissait d'ailleurs entrevoir une discorde entre la tutelle politique du secteur et le staff dirigeant de Sonatrach. Alors que l'ambassadeur italien en Algérie avait fait le déplacement à Ouargla pour assister au lancement du projet solaire photovoltaïque près du gisement de BRN, la délégation algérienne n'était renforcée d'aucun représentant du ministère de l'Energie.