Tout comme Skikda, la ville séculaire de Collo n'est plus ce qu'elle était. Il suffit de sillonner ses ruelles et d'entamer la discussion avec les enfants de l'ancienne Chullu pour comprendre le marasme qui ne cesse de miner la ville depuis quelques décennies déjà. En plus des soucis liés à l'aménagent urbain, à l'insalubrité, au chômage et à d'autres encore que cette ville partage avec les grandes villes de la wilaya de Skikda, Collo se caractérise surtout par la perte d'une grande partie de ce qui faisait sa spécificité et sa coquetterie. Même la sardine de cette ville est devenue une espèce rarissime et les pêcheurs ne savent même pas vendre les offrandes que la Méditerranée leur lègue de temps en temps. Le plus souvent, le poisson se retrouve étalé à l'air libre sur les trottoirs de la ville et les revendeurs vous diront qu'ils n'ont pas le choix. Ont-ils tort ? Pas vraiment, car la seule poissonnerie, au sens propre du terme, dont les Colliotes se souviennent a été rasée avec le marché couvert qui lui était mitoyen au début des années 1970. «On a rasé le marché et la poissonnerie pour y élever, à la place, une agence CNEP et un siège pour une organisation nationale. Depuis, Collo n'a pas connu de poissonnerie répondant aux normes d'hygiène et de proximité», témoigne un natif de la ville. Après avoir décidé d'en finir avec le marché et sa poissonnerie, les pouvoirs publics de l'époque ont décidé d'implanter une nouvelle poissonnerie sur une partie de l'assiette de l'ancien cinéma Louis. En dépit de l'espace assez restreint de la toute nouvelle poissonnerie, les pêcheurs et les clients commenceront par s'habituer à ces lieux, en dépit de certaines carences en matière d'hygiène. Mais cela ne durera pas longtemps, car les pouvoirs publics, une fois encore, délogeront et le marché et la poissonnerie de cet espace qu'ils ont réservé à la construction d'une maison de l'artisanat. Le phénomène de ces maisons était à la mode il y a une dizaine d'années et les walis devaient bâtir une maison de l'artisanat dans chaque commune. Les contraintes «carriéristes» de quelques walis ont souvent la peau dure, et quand il s'agit d'exécuter un programme gouvernemental, certains d'entre eux ne font pas dans la dentelle. On décide alors de délocaliser la poissonnerie aux anciennes Galeries de la ville et en même temps, la maison de l'artisanat ne sera jamais construite, à l'endroit, il y a toujours un terrain vague, vu l'apparition d'un litige judiciaire. La nouvelle poissonnerie des Galeries sera vite boudée par les pêcheurs et les revendeurs, qui n'y resteront pas longtemps. Certains pêcheurs évoquent l'incompatibilité des lieux avec la vente d'un produit frais et périssable, même si, il faut le reconnaître, ces mêmes personnes acceptent de vendre leur marchandise sur le trottoir situé juste en face ! Aujourd'hui, une poissonnerie, informelle, a fini par s'implanter à l'air libre au cœur même de la ville. Les prix affichés grimpent de jour en jour et les pêcheurs de Collo restent prêts à vous jurer que ces prix peuvent considérablement baisser si leur ville venait à disposer d'une Pêcherie. «Si on avait une Pêcherie, on pourrait au moins vendre nos produits directement aux consommateurs sans passer par les mandataires», laissent-ils entendre. Mais les Colliotes n'y croient pas trop et préfèrent plutôt se rappeler du bon vieux temps de Collo. Le temps où le poisson faisait la fierté de cette ville. Le temps où à l'ancienne Pêcherie, le spectacle des étalages emplis de poissons était de mise et où on venait de partout admirer Ben Ali Ben-Salah dépecer le poisson dans une ambiance propre aux villes côtières. Collo revivra-t-elle ce bonheur ? Oui, les Colliotes disent que l'espoir reste permis.