Le verdict est enfin rendu par le ministère du Commerce qui, au bout de plusieurs semaines de suspense, lève le voile sur 21 produits concernés par les licences d'importation pour l'année 2017. Pour la première fois le dispositif des licences concerne aussi bien les véhicules destinés à la revente en l'état que les ensembles destinés aux industries de montage. Alors que des usines de montage sont annoncées ça et là, bénéficiant de multiples avantages fiscaux et parafiscaux prévus par la nouvelle réglementation, le communiqué du ministère du Commerce est venu interrompre cette passion pour l'usinage déclarée par bien des concessionnaires. Depuis la promulgation du nouveau cahier des charges portant conditions et modalités d'exercice de l'activité de production et de montage de véhicules, les concessionnaires avaient une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête ; investir dans une activité d'usinage ou disparaître de la place. Cependant, dans cette course vers l'industrie du montage, le parcours a été émaillé de plusieurs irrégularités et controverses, voire de nombre de scandales. Dans le communiqué diffusé hier par le ministère du Commerce, l'Exécutif a comme une volonté de corriger un pas de danse raté. Désormais, tout le monde est logé à la même enseigne si l'on s'en tient aux détails dudit communiqué. Dit autrement, les concessionnaires et les importateurs d'ensembles destinés aux industries de montage sont tous concernés par les licences d'importation, alors que le dispositif faisait exception jusqu'ici des opérateurs investis dans les activités industrielles en relation avec les métiers de l'automobile. Concrètement, le régulateur craint que certains importateurs convertis en industriels puissent profiter de la brèche ouverte par la nouvelle réglementation afin de rehausser leurs volumes d'importations. En 2015, lorsque les finances publiques allaient en se fragilisant sous le coup d'un choc externe de grande ampleur, le gouvernement a institué le dispositif des licences pour faire tomber la fièvre des importations. La facture n'a pas pour autant baissé, culminant à fin 2016 à plus de 46 milliards de dollars, un seuil pour le moins problématique pour un pays qui voit ses déficits se creuser au fil des mois et ses positions financières s'affaiblir sous le poids de la crise. Le dispositif a été ensuite élargi à plusieurs biens et consommables dans l'espoir de faire une économie de 10 à 15 milliards de dollars au titre de l'exercice en cours. Vingt-et-un produits figurent désormais dans les listings des consommables et biens concernés par les licences d'importation. Une douzaine de produits agricoles et alimentaires y figurent, dont les bananes, les pommes, le citron, les viandes, les fromages, l'ail, l'orge, le maïs, le double concentré de tomate, les tourteaux de soja, etc. Les matériaux de construction sont également dans le viseur du ministère du Commerce qui, depuis peu, a repris le dossier des licences d'importation, au grand dam du ministre de l'Industrie. L'acier et ses produits dérivés, les bois et les céramiques font leur entrée sur la liste des produits soumis au dispositif des licences, mais le ciment n'y figure plus. A noter que ce n'est pas la première fois que le ministre du Commerce par intérim, Abdelmadjid Tebboune, met son grain de sel dans les orientations stratégiques du gouvernement. La maîtrise des importations et l'assainissement des activités du commerce extérieur en sont un cheval de bataille. Les mesures prises à cet effet, administratives et bancaires pour l'essentiel, n'ont rien d'anecdotique, mais participent à la mise en œuvre d'une nouvelle orthodoxie budgétaire, dont l'effort d'ajustement est étalé sur une période de trois années (2017-2019). Le gouvernement cherche à réduire les déficits budgétaires abyssaux de ces dernière années, dont celui de 2016 (16% du PIB) serait le plus important de toute l'histoire de l'Algérie post-indépendance. Pour 2017, l'objectif du gouvernement est de ramener la facture des importations, équipement compris, à des niveaux soutenables oscillant entre 30 et 35 milliards de dollars. Il aurait déjà identifié des niches de gaspillage pour une économie de 8 milliards de dollars. De quoi donner de la pâte à modeler pour certains économistes n'hésitant pas à sonner le tocsin et à mettre en garde contre les effets pervers d'une telle action de rabotage. Selon eux, une hausse du chômage, le retour des poussées inflationnistes et les pénuries sont à craindre.