La rencontre de Rome est une étape importante sur la voie de l'amendement de l'accord de Skhirat de décembre 2015, vu que le Parlement et le Conseil de l'Etat libyens constituent des pièces importantes dans la mise en application de l'accord. En effet les deux Chambres doivent entériner l'accord des factions libyennes concernant l'avenir de leur pays. Or, jusqu'à aujourd'hui, si le Conseil de l'Etat, basé à Tripoli, a validé ledit accord dans sa version actuelle, le Parlement, installé à Tobrouk, n'a pas encore donné son aval, traduisant ainsi les réticences de l'Est libyen par rapport à certaines clauses du pacte de Skhirat. Sentant que les tensions montent en Libye, l'Algérie a dépêché, la semaine dernière, son ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, pour calmer les esprits. La visite est survenue au moment même où le chef du gouvernement libyen de réconciliation nationale, Fayez Al Sarraj, a appelé à une intervention pour contrer les troupes de Haftar au Sud libyen, qui essaient de s'emparer de la base de Taminhint, près de Syrte. L'appel d'Al Sarraj a suscité la crainte des voisins immédiats de la Libye, notamment l'Algérie qui rejette toute implication militaire étrangère dans la région. D'où cette réaction algérienne immédiate, sur le terrain libyen, où l'Algérie ne manque pas d'attaches solides avec tous les belligérants de la scène libyenne, comme l'attestent les accueils chaleureux réservés à Abdelkader Messahel, là où il est passé. Le ministre algérien a visité Zentane, Al Baydha, Benghazi, Misrata et Tripoli. Même si ces zones libyennes ne sont pas amies, M. Messahel y a été avec les égards qui vont à un voisin respecté. Le ministre a affirmé auprès des belligérants libyens qu'il ne peut y avoir de solution à leur conflit qu'à travers un dialogue interlibyen, en terre libyenne et non à l'extérieur. «Il y a en Libye des femmes et des hommes qui sont en mesure de reconstruire ce pays mieux que quiconque, par le dialogue, les solutions politiques et la réconciliation nationale entre toutes les composantes du peuple libyen sans exclusive ni marginalisation aucune», a notamment dit M. Messahel. La visite du ministre a donné le plus nécessaire pour les démarches italiennes essayant de réunir Akila et Souihli, afin de trouver une forme à la mise en œuvre des amendements nécessaires à l'accord de Skhirat. Tous les belligérants libyens ont accepté le principe de ces amendements, dont il a été question au Caire, à Tunis et Alger. Ils ont été cités par l'envoyé de l'ONU, Martin Kobler, l'Union européenne, la Ligue arabe et l'Union africaine. Mais il faut que les Libyens se retrouvent entre eux pour parvenir à un nouvel accord, acceptable pour tous. Pour le politologue Ezzeddine Aguil, l'insistance du ministre algérien Abdelkader Messahel sur un dialogue interlibyen en Libye est importante, vu les échecs ayant accompagné les solutions obtenues à l'étranger, comme l'accord de Skhirat et le projet de Constitution de Oman. «Il faut laisser aux belligérants libyens la latitude de dialoguer, alors qu'ils ne sont pas coupés de leur entourage. Car, c'est dans cet environnement de tiraillements que va s'appliquer l'accord conclu», a-t-il insisté. Rome et Alger jouent donc sur la même longueur d'onde, même si les intérêts ne sont pas exactement les mêmes en Libye, entre une Algérie qui cherche la stabilité de ses frontières sud et une Italie qui défend sa forte implantation dans le secteur des hydrocarbures en Libye. Il faudrait également coordonner avec l'Egypte et la Russie pour calmer les ardeurs de Haftar, afin de l'amener à placer le commandement général militaire sous une autorité civile, tout en assurant l'homme fort de l'Est libyen de la stabilité de son pouvoir militaire. Restent les Etats-Unis qui ont dit que leur principal souci en Libye, c'est de chasser Daech. Les deux camps libyens cherchent à obtenir la sympathie de Washington, qui accueillera bientôt le maréchal Haftar et le président du gouvernement de transition Al Sarraj. Ce qui est certain, c'est que la visite de Messahel a aidé à faire avancer le dialogue interlibyen devant la menace de la guerre civile et l'intervention étrangère en Libye.