Le tribunal de Aïn El Turck a condamné, lors de son audience d'hier, 65 harraga, dont un sujet marocain, à deux mois de prison ferme et 5000 DA d'amende pour le grief de tentative d'embarquement illicite en vue d'immigration clandestine vers l'Espagne. La seule relaxe prononcée a été au bénéfice d'un mineur. La loi 545, article 23 du code maritime a été appliquée dans ce procès. Tel un couperet, le verdict est tombé en milieu d'après-midi, provoquant la consternation des dizaines de parents des jeunes harraga ou de leurs proches venus suivre le procès. En effet, si le déroulement de l'audience s'est fait dans la sérénité totale, d'un côté comme de l'autre, l'annonce du verdict, en somme prévisible, a bouleversé les nombreuses mères de famille qui ont crié à l'injustice. Ceci étant, après l'organisation de la défense, puisque des avocats se sont constitués bénévolement partie défenderesse, commença alors l'audition du premier mis en cause. Agé de 20 ans, celui-ci expliquera qu'il avait remis 10 millions de centimes pour effectuer la traversée. Il indiquera qu'après avoir « réglé les formalités d'embarquement », il prit place au fond de la cale d'un palangrier d'environ 10 m, en compagnie d'autres passagers ; suite à quoi commencera alors le périple, dont le coup de starter a été donné à minuit, durant la nuit de samedi à dimanche 11/12 novembre 2006, à partir de la plage de Cap Falcon, se doutant qu'ils devaient être 65 personnes à embarquer sur cette même chaloupe. A noter, toutefois, qu'en raison certainement du nombre élevé des mis en cause, la cour se limitera à l'audition de quelques-uns d'entre eux seulement, mais ceci n'empêchera pas d'autres d'intervenir calmement pour apporter des éclaircissements ou infirmer un élément d'information. Certains expliqueront leur geste par « la malvie et l'absence de perspectives », « un geste de désespoir », diront d'autres. Le sujet marocain, inculpé dans cette affaire, avouera « avoir été orienté à partir de Casablanca, au Maroc, son pays d'origine. J'ai été recommandé par des amis marocains à des personnes habitant le quartier d'Es Seddikia à Oran ». Deux témoins, en l'occurrence le mineur relaxé et le transporteur qui avait assuré l'acheminement des harraga du point de départ Sidi Lahouari vers un hôtel de Aïn El Turck, appelés à la barre, seront remis en liberté après leur placement sous contrôle judiciaire. A propos du groupe d'Es Seddikia, apparemment le premier maillon de la chaîne, nous apprenons que quatre de ses membres sont sous mandat de dépôt et que leur dossier fait l'objet d'une instruction à part. En revanche, deux autres personnages clés sont activement recherchés par les services de sécurité, à savoir le propriétaire de la barque et le gérant du camping de Clairefontaine, sis à Aïn El Turck, considérés comme les « cerveaux » de l'opération. Lors de son réquisitoire, le représentant du ministère public s'étalera longuement sur le phénomène de l'immigration clandestine pour dire que « la justice se trouve face à une des plus importantes affaires d'immigration clandestine qu'a connue l'Ouest algérien ». Et d'ajouter : « Il ne peut s'agir que d'un réseau bien organisé et sans scrupule. » Rappelant les circonstances de l'interception des harraga par les éléments de la Marine nationale au large de Béni Saf, et s'appuyant sur la loi 545, article 23 du code maritime, il requerra 6 mois de prison ferme et 5000 DA d'amende pour chaque mis en cause. L'entrée en action de la défense ne dissuadera pas pour autant la cour à accorder les circonstances atténuantes aux mis en cause, telles qu'acclamées par les sept avocats qui se sont succédé pour la défense des jeunes harraga. « Malaise, désespoir, absence de perspectives, échecs scolaires, etc. », tels sont les termes qui ont constitué les arguments de la défense. Un avocat comparera le phénomène à celui des boat people des années 1970 vécu au large des côtes cubaines et asiatiques.