Le 18 septembre dernier, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, ouvrait l'année universitaire 2016-2017, par un cours inaugural dédié à la lutte contre le plagiat. Six mois plus tard, son secrétaire général, Pr Seddik Mohamed Salah Eddine, poussait un véritable coup de gueule à travers un courrier (n°355/SG/2017 daté du 6 mars 2017), adressé aux chefs d'établissement d'enseignement supérieur. «Il m'a été donné de constater des entorses à l'application de l'arrêté ministériel n°933 du 28 juillet 2016 fixant les règles relatives à la prévention et à la lutte contre le plagiat, qui sont commises», écrivait le SG. Ce dernier ira encore plus loin en dénonçant la complicité même des responsables d'établissement. «Ainsi, à divers niveaux hiérarchiques dans les établissements universitaires, on procède parfois au remplacement du jury ayant fait le constat de plagiat. Ces agissements empêchent l'aboutissement d'une procédure qui confirmerait la présomption de plagiat, conformément à l'arrêté sus-cité», constate-t-il, révélant ainsi une vérité connue par toute la population universitaire et diluée dans cet espace, où, à l'instar de tous les autres secteurs, règnent un climat de délation, le clientélisme et la corruption. Malgré la promulgation de nouveaux textes réglementaires, la volonté «affichée» de lutter contre toutes les formes de malhonnêteté intellectuelle, l'éthique et la déontologie restent pour nombre d'universitaires un «luxe» facultatif devancé par des ambitions personnelles démesurées. Mais il ne s'agit pas ici de vouer aux gémonies l'ensemble de la population universitaire, loin s'en faut. Réagissant à une série d'articles publiés dans le supplément étudiant d'El Watan, des groupes d'enseignants ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Refusant le statut d'observateurs silencieux, ils sont des dizaines à travers le territoire national à mener leurs propres investigations et à combattre les pratiques indignes de l'univers du savoir. A l'université Ibn Khaldoun de Tiaret, un groupe d'universitaires mènent bataille. «Quelle n'a pas été notre surprise de constater que certains de nos enseignants, tous grades confondus, publient des articles et des communications scientifiques plagiés à 100%. L'éthique et la déontologie nous ont imposé de mener nos propres vérifications pour valider la factualité du plagiat précité», écrivent-ils dans une longue lettre de dénonciation envoyée à la rédaction. Assurant détenir des preuves tangibles sur de graves atteintes à l'éthique scientifique, les universitaires dénonciateurs font valoir la législation et mettent les responsables hiérarchiques devant leurs responsabilités. «Nous étions persuadés que l'article 16 ouvre droit à toute personne de dénoncer et notifier cette malhonnêteté aux responsables de l'université concernée. Il n'en est rien. Nous disposons d'un dossier, où une dizaine d'enseignants sont impliqués. Evidemment, avec des preuves matérielles concrètes et vérifiables. Ces dernières ont été adressées aux responsables locaux et au directeur général de la recherche», assurent-ils, en regrettant qu'aucune suite n'ait véritablement été donnée à leur requête et dénonçant l'utilisation de «combines» malsaines par ceux-là mêmes qui sont censés appliquer la loi pour étouffer l'oiseau dans l'œuf. Complicité Selon les déclarations de ces universitaires, même le directeur général de la recherche scientifique au niveau du ministère ne donne pas suite à ce fait grave, se contentant de reléguer aux calendres grecques une éventuelle réaction. Plus que la malhonnêteté intellectuelle dûment constatée -et dont la rédaction du supplément étudiant détient des copies affligeantes- concernant un professeur, directeur de laboratoire, et au moins 5 maîtres de conférences et des maîtres-assistants, c'est surtout l'absence de volonté de lutte et la complicité flagrante des responsables hiérarchiques qui choquent le plus. Malgré les remontrances du SG du ministère, certains recteurs, doyens et autres responsables des conseils scientifiques font fi de toute règle d'éthique pour satisfaire leurs basses combines. Un drame qui pousse les universitaire à s'interroger sur la confiance à accorder dans la chaîne de commandement, leur passivité et leur indifférence. A la limite, ce sont les dénonciateurs qui sont aujourd'hui désignés comme des fauteurs de troubles et des esprits pervers obsédés par des luttes intestines. A cela, nos universitaires répondent : «Nous n'avons nullement l'intention de ternir ou d'avilir encore plus l'image de notre université. Raisonnablement, et même avec une compréhension bienveillante, personne n'accepte de défendre et de protéger ces faussaires mercenaires qui profitent de toutes les situations. En effet, et à bien des égards, les droits et les libertés des enseignants doivent s'exercer dans le respect de l'éthique, de la morale, de la déontologie professionnelle, de l'intérêt général et du bien commun. Par exigence morale, nous ne pourrons pas faire comme si de rien n'était. La matérialité de cette affaire est fondée», se désolent-ils, presque.