Après dix longues années de bataille juridique, Aït Said Hamid, patriote très connu à Aïn El Hammam, a fini par arracher son droit à un jugement des quatre policiers, auteurs présumés de l'assassinat de son fils Tarek à la fleur de l'âge. En dépit du traumatisme provoqué par ce drame en cette journée du 7 août 1996, le père de Tarek n'a pas désespéré de voir l'affaire aboutir et enfin faire son deuil, une fois les présumés auteurs déférés devant le tribunal criminel. Tarek se trouvait dans sa voiture avec un ami, agent de l'administration pénitentiaire, lorsqu'il a été la cible de tirs d'arme à feu. Après lui avoir demandé les motifs de son arrêt devant l'établissement, un policier en civil, à bord d'une Golf, a appelé du renfort par radio et quelque secondes plus tard, ces derniers sont arrivés. Tarek a démarré son véhicule en signalant à son ami qu'il allait revenir pour l'emmener avec lui. Un acte qui lui coûtera la vie, puisque les trois policiers arrivés sur les lieux le voyant se diriger vers un sens interdit en accélérant ont ouvert le feu sur lui, le touchant mortellement à la tête. En 1997, selon les rapports établis au niveau du commissariat où exerçaient les quatre policiers incriminés, il est fait état d'une autre version présentant la victime comme étant un terroriste, ce qui a valu le classement de l'affaire en 1997 par le parquet de Tizi Ouzou. La conjoncture de l'époque n'étant pas favorable à la poursuite des présumés auteurs, le père de Tarek a attendu jusqu'à la fin de l'année 2000 pour rédiger une plainte adressée au ministre de la Justice, lequel a ordonné la réouverture du dossier. Le 4 février 2001, une enquête pour homicide volontaire a été d déclenchée. Le juge d'instruction, après avoir entendu de nombreux témoins ainsi que les quatre policiers, a décidé le 30 janvier 2002 l'extinction des poursuites du fait de l'impossibilité de connaître l'identité du policier qui a ouvert le feu. Une décision contre laquelle le parquet et la famille ont fait appel. Le 31 mars 2002, la chambre d'accusation près la cour de Tizi Ouzou a annulé la décision du juge. Ce n'est que le 28 septembre 2002 que les trois policiers ont été entendus, eux ont tous déclaré que la victime a commis l'erreur de ne pas obtempérer aux ordres de la police et a tenté de prendre la fuite, précisant ne pas savoir lequel d'entre eux l'a touché mortellement du fait qu'ils avaient tous les trois des kalachnikovs. Le 12 octobre 2002, le juge a, une seconde fois, classé le dossier du fait que l'auteur restait toujours non identifié. Un autre appel a été introduit par le père de Tarek, d'abord auprès de la cour, laquelle l'a rejeté puis auprès de la Cour suprême, qui a annulé la décision du juge et ordonné que l'affaire soit réexaminée par la chambre d'accusation autrement composée. Le 23 octobre 2005, le juge d'instruction a procédé à l'inculpation des trois policiers, dont un est devenu commissaire entre- temps, pour homicide volontaire, mais 8 jours après, le même magistrat a statué sur l'incompétence du tribunal de Azazga parce que le commissaire mis en cause jouissait de la qualité d'officier de la police judiciaire dans sa juridiction au moment des faits. Le 12 décembre 2005, le parquet de Tizi Ouzou a désigné un autre juge pour reprendre l'instruction. Après audition de toutes les parties, le juge a ordonné l'extinction des poursuites contre deux policiers (un est mort dans une embuscade), et transmis le reste du dossier au parquet, lequel a fait appel. Et c'est ainsi que la chambre d'accusation a appuyé la demande du procureur général au mois de septembre dernier en ordonnant l'annulation de la décision du juge d'instruction et retenu l'accusation d'homicide volontaire contre les trois policiers, et ordonné le renvoi de leur affaire devant le tribunal criminel. La nouvelle a été ressentie par le père de Tarek comme une délivrance. « Le jour où je verrai les trois policiers devant le tribunal, je pourrais faire enfin le deuil de mon fils. Je sais que cela ne me le ramènera pas, mais au moins que cela serve de leçon, d'autant que les auteurs sont toujours en fonction et certains ont même été promus. Je voudrais que les magistrats qui ont voulu étouffer cette affaire soient déférés eux aussi devant la justice », a déclaré le père de Tarek en s'interrogeant, au passage, sur la réaction de l'institution policière. Les nombreuses lettres, a-t-il noté, adressées au premier responsable de cette institution « sont restées sans réponse ».