Dans cet entretien, le wali de Khenchela, Hammou Bekkouche, a abordé l'ensemble des axes de travail inscrits dans le programme des autorités locales, axes dont la mise en chantier devrait permettre à terme la relance du développement de cette wilaya, notamment à travers d'ambitieux projets agricoles et la prise en compte des préoccupations des citoyens, en priorité la question du logement. - Cela va faire bientôt deux ans que vous êtes à la tête de la wilaya, quel bilan faites-vous de son état de développement ? Tous nos efforts visent à booster l'activité de l'ensemble des secteurs, action quotidienne que nous suivons sur le terrain depuis notre installation. A cet effet, sitôt en fonction, nous avons créé une commission intersectorielle de wilaya chargée de la coordinationet du suivi de l'exécution des projets de développement, en plus de la mise en place d'une banque de données couvrant tous les aspects techniques afin de permettre une intervention rapide, en cas de nécessité, en rapport avec les projets en chantier. Malgré les contraintes budgétaires et les conséquences sur les projets déjà inscrits, nous avons pu quand même, au vu des spécificités de la région en matière de développement local, maintenir le rythme d'avancement de la plupart des projets, les plus importants notamment, à l'exemple de la centrale électrique de Remila, d'une capacité de 1600 mégawatts sur une superficie de 40 hectares, qui sera livrée vers la fin de 2018 et qui desservira le nord de la wilaya et quelques communes des wilayas de Batna et d'Oum El Bouaghi. Il faut rappeler que le nord de la wilaya est principalement à vocation agricole -les fourrages d'hiver en particulier-, axée sur l'élevage bovin, la production laitière intensive et l'arboriculture fruitière sur de grandes surfaces, pomicole en particulier, le tout étant fortement consommateur d'énergie électrique, à destination de l'irrigation quasi quotidienne, cela sans oublier la station de production d'électricité de 420 mégawatts implantée à Elbrag, au sud de la wilaya. Tous ces projets encouragent l'investissement agricole dans les deux régions. - Justement, à propos de l'arboriculture pomicole, nous avons appris qu'une délégation émiratie a fait le déplacement à Khenchela, affichant un intérêt pour le développement de cette activité. Pouvez-vous nous en dire plus ? Il est vrai que la wilaya de Khenchela dispose d'un énorme potentiel agricole, aussi bien au nord qu'au sud, Sahara des Nemamchas, son centre - dans un rayon de 40 km autour du chef-lieu - étant essentiellement pastoral et porté sur l'élevage, ce qui peut en faire une des premières wilayas en termes d'investissements agricoles à venir. D'où l'intérêt effectivement manifesté par des investisseurs autrichiens et émiratis. Nous avons reçu, il y a quelques jours une importante délégation d'investisseurs des Emirats arabes unis, qui comprenait aussi des experts de la filière fruitière pomicole. Son souhait est de développer un projet sur 5000 ha. Nous avons mis à sa disposition toutes les données techniques nécessaires et spécifiques au développement de cette activité, géoclimatiques notamment, et nous leur avons fait part de notre disponibilité à leur accorder toutes les facilités permises par les lois en vigueur pour le lancement et la réussite de leur éventuel investissement, tout en rappelant qu'il existe déjà à Khenchela un projet algéro-émirati pour la production d'engins spécifiques, piloté du côté algérien par le ministère de la Défense nationale. Nous avons inauguré récemment une usine de transformation agroalimentaire, d'un investissement privé algéro-tunisien, ce qui traduit notre souci d'encourager ce type d'investissement dans la double perspective de l'autosuffisance alimentaire et de l'exportation. Par ailleurs, mais avec un bilan très mitigé, nous avons ouvert les portes à l'investissement privé en octroyant 1143 autorisations dans le cadre d'investissements avec acquisition de terrains aménagés : malheureusement, nous nous sommes aperçus que l'écrasante majorité des bénéficiaires n'avait pas les capacités financières à cet effet et que certains parmi eux avaient uniquement pour objectif d'accaparer des terrains mis à disposition et de spéculer avec, ne lançant aucun projet concret. Les pouvoirs publics ont constamment affiché leur disponibilité à accorder toutes les facilités en matière d'accès au foncier industriel au profit des vrais investisseurs, comme ils sont déterminés à récupérer tout le foncier qui n'aura pas été utilisé. - Est-ce que l'administration continue de subir des pressions de la part de groupes de citoyens ayant bénéficié dans un passé récent de privilèges dans des conditions non conformes aux lois ? Je ne pense pas qu'il existe ce type de groupes de pression, mais plutôt des groupuscules qui agissent de temps à autre par la culture de la rumeur et des fausses informations, ou semant le doute et la discorde au sein de l'opinion publique par rapport aux réalisations à caractère social notamment. Nous avons mis à nu les mécanismes de fonctionnement de ces groupuscules et les réseaux qui agissaient, à telle enseigne que le nombre de constatations que vous évoquez a considérablement baissé, et ce, grâce à la mise en place d'une politique d'accueil et d'écoute en direction des citoyens, des plus défavorisés particulièrement, pour la prise en compte de leurs préoccupations et des problèmes soulevés. Ce qui a permis de rétablir progressivement la confiance des administrés envers leur administration, même si tout n'est pas encore parfait et que nous avons encore beaucoup à faire, à tous les niveaux. Le taux de participation conséquent aux élections législatives du 4 mai dernier, enregistré par notre wilaya, illustre cette reprise de confiance, et nous continuerons à ne ménager aucun effort pour prendre en charge les préoccupations sociales de nos concitoyens. - Concernant le secteur de l'habitat, quelles sont les statistiques dont vous disposez ? En matière de nombre de logements -toutes formules confondues-, la wilaya de Khenchela fait partie des wilayas les mieux loties, et à chaque programme quinquennal, des financements pour des milliers de logements lui ont été régulièrement attribués. Et ce n'est pas terminé, même si en grande partie nous pouvons considérer que la crise est dernière nous et que tout n'a pas été parfait dans le respect des critères d'attribution, mais les choses se sont nettement améliorées. Il n'y a pas longtemps que notre wilaya a bénéficié d'un programme supplémentaire de 3000 logements, et le quota des logements AADL (2000 unités), était même excédentaire par rapport à la demande. Durant la période allant de 1999 à ce jour, et dans le cadre de l'exécution du plan quinquennal, 91 488 logements de différentes formules ont été attribués, dont 40 000 logements sociaux. Revenons à l'agriculture. La relance de ce secteur est un levier qui peut contribuer à rendre effectif le développement de la région. - Quelle évaluation faites-vous de l'avancée de ce secteur ? Le développement de ce secteur est une de nos priorités, pour ne pas dire la priorité, au vu de la vocation de cette wilaya. Cela fait pas mal d'années maintenant que la wilaya a développé ou facilité le développement de périmètres agricoles au titre de l'investissement lourd et sur de grandes surfaces, ou au profit de bénéficiaires individuels. D'ailleurs, le gouvernement a octroyé à la région d'importants budgets, dans le cadre de différents plans spécialisés, pour la réalisation d'un maillage en infrastructures de base pour faciliter la mise en valeur et l'exploitation de ces milliers d'hectares, plus particulièrement dans la région du «Sahara des Nemamchas» : des centaines de kilomètres de routes, des puits artésiens par milliers, 1000 km d'installations électriques, marché de gros pour les agriculteurs, habitat rural, etc. Parmi les bénéficiaires, il y a 1800 jeunes. Ces derniers devront se débarrasser de leur attentisme et être plus réactifs, s'organiser en collectifs, voire en coopératives, afin de mutualiser leurs efforts et leurs moyens et réunir les conditions de leur réussite, à charge pour les administrations et les organismes concernés de les accompagner et de leur porter toute l'assistance et les encouragements nécessaires, car il ne faut pas se voiler la face, il existe encore des lourdeurs bureaucratiques à différents niveaux qui sont autant d'obstacles à la réalisation de ces investissements, notamment au niveau des agences bancaires concernées, des APC, des services techniques concernés, etc. Récemment, la wilaya a bénéficié d'un financement pour la mise en valeur d'un périmètre de 8000 ha, opération confiée au Groupe public Cosider qui dispose d'un savoir-faire en la matière, avec l'accord et l'appui du ministère de l'Agriculture: le chantier a démarré, avec la perspective d'y ajouter une surface supplémentaire de 18 000 hectares, ce qui permettra de faire à terme du «Sahara des Nemamchas» un eldorado agricole au profit de la région et du pays tout entier, à l'instar de ce qui s'est fait dans la wilaya limitrophe de Biskra. D'ailleurs, je me félicite de la nomination de mon ancien collègue de la wilaya de Blida à la tête du ministère de l'Agriculture : c'est un fin connaisseur de la wilaya de Khenchela puisqu'il en a été le wali de 2001 à 2005 et avait eu à cœur, notamment, le développement du «Sahara des Nemamchas», dont il avait lancé les premiers fondements. - Où en est l'opération d'accès à l'électricité pour les périmètres agricoles des 1800 jeunes bénéficiaires ? Sur les 1000 km d'installations électriques programmées, nous avons atteint le taux de 60% de réalisation. Sur les 231 puits prévus, 145 ont été réalisés, soit plus de la moitié, c'est aussi le même pourcentage pour les chemins ruraux. Quant aux routes et aux ouvrages d'art, le taux de réalisation est de 100 %. Mieux encore, lors de sa récente visite dans la wilaya, le précédent ministre des Travaux publics nous a attribué le projet d'un énorme pont dans la région du sud de la wilaya, sur financement propre de son département. Tous les indicateurs sont au vert, c'est juste une question de temps pour la finalisation de ce programme en direction de ces jeunes agriculteurs en herbe. - Le problème de l'accès aux semences et autres produits d'accompagnement pour les agriculteurs n'est toujours pas réglé. Comment comptez-vous agir pour lever cet obstacle ? J'ai eu l'occasion de déclarer à plusieurs reprises que la CCLS (Coopérative des céréales et des légumes secs) accomplissait convenablement sa mission, mais il y a des pratiques chez certains agriculteurs et éleveurs qui s'accaparent de quotas supérieurs à leurs besoins réels. Concernant les semences, dès le début de la saison céréalière, nous avons été présents sur le terrain lors des premiers labours et des semailles pour accompagner les agriculteurs afin qu'ils aient tous les produits nécessaires, mais nous pensons que le problème se situe plutôt dans l'insuffisance de structures de stockage des céréales produites, et non pas dans la distribution en aval des semences et autres engrais. D'ailleurs, nous avons instruit les organismes et services techniques concernés afin que des mesures soient prises pour que la récolte céréalière ne souffre plus des problèmes de collecte par la CCLS et d'acheminement vers d'autres centres spécialisés. Nous annonçons à ce propos que nous envisageons la construction de 2 grands silos de stockage ayant une capacité totale de 300 000 quintaux, l'un au sud de la wilaya, l'autre au Nord dans la région de Begaga, où les travaux avancent avec une cadence très appréciable, grâce à une entreprise chinoise. - Peut-on connaitre le développement de l'irrigation agricole et l'acheminement de l'eau du barrage de Babar dans ce sens ? A partir du barrage de Babar (30 km au sud du chef-lieu de wilaya), il est prévu de libérer 6 millions de m3 d'eau afin d'irriguer 750 hectares agricoles, dans une première étape, tout en rappelant que plus au sud de Babar, dans la commune de Khirane, 300 hectares bénéficient de l'eau de ce barrage, sans qu'il y ait nécessité d'installer des canalisations du fait de l'effet du fort dénivelé. Par ailleurs, le barrage de Taghrist dans la commune de Yabous (60 km au Nord-Ouest du chef-lieu de wilaya)est en phase de remplissage : son eau permettra l'irrigation de périmètres agricoles supplémentaires dans un proche avenir et renforcera les capacités de stockage de la wilaya en eaux de surface. - Un dernier mot Monsieur le wali ? Vous avez eu la délicatesse de ne pas m'interpeller sur des questions plus terre à terre pour le commun de nos concitoyens et ayant un caractère social et sociétal prononcé : l'école, l'accès à l'eau potable et la santé. Ce sont des questions qui font partie de mon quotidien dans mes fonctions de wali et pour lesquelles je m'efforce d'apporter des réponses appropriées, en relation avec les administrations et les organismes concernés. Il y a encore beaucoup à faire à ce sujet, et il ne s'agit pas d'une question de moyens. Améliorer aussi la communication et les relations avec les administrés de la wilaya fait partie de ma feuille de route, en utilisant tous les canaux existants, dont celui des réseaux sociaux, j'avoue, avec quelques succès. La démocratie participative a fait son entrée dans la Constitution de mars 2016 et j'essaye avec mes collaborateurs de la traduire en actes concrets sur le terrain avec l'apport des segments de la société civile dont l'unique souci est de servir l'intérêt général.