Un débat national focalisé sur des programmes de télévision est une vraie curiosité post-législatives. Un personnage de l'Etat, auquel on attribuait une autorité présidentielle, était descendu dans la rue, il y a une dizaine de jours, pour dénoncer une «ignominie», pas celle qu'ont pu subir des citoyens anonymes, ou des pans de la société, dans la vie réelle, mais celle d'une mise en scène télévisuelle qui a écorné l'image d'un écrivain. Il n'était pas nécessaire que l'Etat se manifeste, ou manifeste, pour que les artistes et les créateurs de renom comprennent l'importance de disposer d'attachés de presse pour étudier les invitations à des émissions de radio ou de télé, ou à des colloques et conférences. L'image sera alors protégée et le débat fructueux pour les auditoires. Ce filon médiatique, qui a la vertu de dresser des écrans de fumée face à une opinion en plein désarroi, est trop porteur politiquement pour être abandonné en si bon chemin. Hier, c'est le Conseil national des droits de l'homme qui a dénoncé des programmes de télévision «incitant publiquement à la violence contre les femmes et la banalisent». Cette instance mise en place le 9 mars dernier, en vertu des dispositions de la Constitution amendée en février 2016, se voulait «un couronnement du processus de réformes politiques et législatives initiées par le président de la République pour la consécration de l'Etat de droit». Ses missions consistent, entre autres, à lancer des «alertes précoces», mener des investigations, visiter les lieux de détention… Dans son communiqué rendu public hier, le CNDH exhorte le pouvoir judiciaire à «appliquer les lois en vigueur en vue de mettre fin à toutes formes de discrimination véhiculées par certains médias». Si la défense des droits humains est devenue aléatoire et problématique, comme dans nombre de pays où la détresse sociale conjuguée à l'insécurité met en stand-by certains principes fondamentaux, faut-il engager cet investissement massif des institutions dans la surveillance des émissions de télévision ? Aucun universitaire n'appuiera cette idée selon laquelle, en brisant un écran de télévision, il serait possible d'enrayer le sectarisme, l'intolérance, l'inquisition et autres maux qui rongent la société. Dans cette volonté affichée de soigner ou de protéger le corps social par l'entremise de la télévision, il y a comme un épisode raté, celui de l'école. Les indices d'alerte sur les violences faites aux femmes sont plus présents dans les services des urgences que sur les plateaux de télévision. Les mauvaises émissions et leurs supports tomberaient d'eux-mêmes, si la société conçue par le système éducatif était réfractaire à la violence et à l'obscurantisme. L'on se souvient du souhait émis par le ministère des Affaires religieuses pour être consulté au sujet des invités aux programmes télévisuels, dans l'objectif de lutter contre le discours extrémiste. Le chemin est en réalité beaucoup plus ardu, puisqu'il faut refonder l'ensemble du système éducatif et en attendre les résultats dans une génération ou deux. C'est une gageure que d'espérer un miracle de la part de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel. Elle est aussi efficace pour engager «certains» médias dans la modernité que les partis de l'opposition pour asseoir la démocratie.