Il est vraiment à craindre que «la liberté de conscience et la liberté d'opinion, la liberté d'exercice du culte», garanties par la Constitution, ne soient dans la réalité qu'une profession de foi. Interpeller les pouvoirs publics pour les rappeler au respect des dispositions constitutionnelles ne serait pour lui qu'un coup d'épée dans l'eau. Ce n'est pas la première fois qu'on accorde peu d'intérêt au respect de la Loi fondamentale, la mère de toutes les lois, on la piétine même allègrement. Arrêter des lycéens ou des jeunes n'ayant pas observé le jeûne, ou pour quelque raison que ce soit, ne peut être qu'une atteinte à la liberté de conscience. Cette pratique inquisitrice que des agents zélés de l'Etat exécutent avec une excessive émulation pose un sérieux problème de droits de l'homme. Pas seulement cette inquisition, qui consiste à aller jusqu'à chercher dans les champs et les chantiers d'éventuels «mangeurs de Ramadhan» pour les punir, mais consacre un climat de terreur dans la société. C'est l'Etat lui-même, qui est censé protéger les libertés, les garantir, assurer l'intégrité physique et morale des personnes, qui se mue en premier producteur de l'intolérance et de l'inquisition. A quoi pourrait servir alors la Constitution si on ne la respecte pas ou ne la fait pas respecter ? Certains diraient que le code pénal dans son article 144 bis offre une assise juridique pour l'intervention des pouvoirs publics, en cela que ladite disposition stipule de «punir (…) quiconque offense le Prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l'islam, que ce soit par voie d'écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen». Laquelle alors de ces deux dispositions de loi prime sur l'autre ? Pour les juristes, rien ne peut remettre en cause la Constitution. Mais lorsqu'on entend le discours développé hier sur les ondes de la Radio Chaîne 3 de Mohamed Boussoltane, directeur général du Centre d'études et de recherches constitutionnelles, auprès du Conseil constitutionnel, il y a de quoi s'inquiéter. «L'invité de la rédaction» sort carrément du cadre de son sujet pour s'aventurer sur le terrain strictement religieux en disant que «la religion musulmane interdit le retour (rida en arabe) qui voudrait dire sortir de la religion». Drôle de conception de la liberté de culte pour un constitutionnaliste qui conseillerait à ne tolérer la liberté de religion que pour ceux qui sont déjà chrétiens ou bouddhistes. Gare à celui qui ose la rida. Le directeur général du Centre d'études constitutionnelles, qui a une idée tranchée sur le nombre de musulmans en Algérie — ils sont 99% selon lui —, lui, ferait certainement appliquer les textes de la charia en la matière. Il y a vraiment de quoi avoir peur pour notre pays. La tolérance a du mal à s'installer dans la société. Les pouvoirs publics ont choisi de faire écho aux voix de la régression qui appellent à transformer l'Algérie en un pays fermé sur lui-même, intolérant et rétrograde. Les libertés de chaque citoyen, dont la liberté de conscience et d'opinion, sont pourtant garanties par la Constitution.