Pourquoi le christianisme devient-il, ces derniers temps, un phénomène nouveau en Algérie et pourquoi a-t-on l'impression que les chrétiens et les convertis au christianisme sont victimes d'une chasse aux sorcières ? Que l'Etat réglemente l'exercice des cultes sans distinction aucune, comme le stipule d'ailleurs la Constitution algérienne, c'est tout à fait normal, d'autant plus que l'Algérie a vécu une décennie de terreur et une tragédie nationale sans précédent au nom justement d'une certaine interprétation de l'islam par des irréductibles qui ne reconnaissent aucun droit à la différence. Mais que des services de sécurité arrêtent un citoyen, le présentent devant le parquet parce qu'il a embrassé une autre religion, cela n'obéit à aucune loi ni à aucune règle, et constitue une atteinte flagrante aux droits fondamentaux humains, à la liberté du culte, d'opinion, et à la dignité humaine. De quoi a-t-on peur ? Le catholicisme est né en Algérie grâce à son fondateur saint Augustin. Donc, le christianisme et le judaïsme ne sont pas étrangers à cette terre qu'est le Maghreb, ni à ce pays qu'est l'Algérie. Si l'Etat combat l'intégrisme sous toutes ses formes, les institutions de l'Etat ne peuvent se comporter de façon intégriste, encore moins ordonner la chasse aux sorcières et instaurer un climat et des comportements dignes de l'inquisition moyenâgeuse. La première référence en la matière demeure le texte fondamental du pays qui reconnaît la liberté de culte et l'égalité des trois religions monothéistes. Certes, la majorité des Algériens sont musulmans ; cependant, les minorités sont protégées par la loi. Mais il faut aussi admettre que la constitution d'une minorité n'est pas limitée dans le temps, car aucune loi n'interdit à un Algérien de se convertir à une autre religion ou de devenir tout simplement athée. Car c'est là même le sens de la citoyenneté et de la liberté de pensée et du culte. La deuxième référence en la matière est le Coran lui-même dont l'un des derniers versets révélés à Mohamed préconisait clairement : «Point de contrainte en matière de religion.» En d'autres termes, nul ne peut imposer sa foi aux autres ni les contraindre à embrasser telle ou telle religion. Le strict respect de la Constitution et des préceptes du Coran épargnerait à l'Algérie bien des déboires, bien des ingérences inutiles, bien des excès de zèle de certains responsables qui s'autoproclament tuteurs de la conscience des individus et de la nation. Le procès intenté à Habiba Kouider, à Tiaret, est la parfaite illustration de la bêtise humaine dont les conséquences honteuses ne se limitent pas au seul tribunal et au seul juge qui pourrait la condamner, mais risquent d'éclabousser toute l'Algérie qui plaide pourtant pour la tolérance et la cohabitation entre toutes les confessions et les croyances humaines dans le respect des libertés des individus et des groupes. A. G.