C'est parce qu'il était un personnage hors du commun que ses amis et ses proches se sont réunis, samedi après-midi, au Bastion 23, à Alger, pour commémorer le 20e anniversaire de sa disparition. C'est à l'initiative de la maison d'édition privée El Ibriz, en partenariat avec la fondation Casbah et l'association Lumière, que les convives ont pu suivre avec beaucoup d'intérêt une conférence portant sur la vie et l'œuvre de cet homme exceptionnel. Dans un discours inaugural, la directrice des éditions El Ibriz, Samira Bendriss, a précisé que cette modeste idée d'organiser un hommage à Momo pour ses 20 ans de disparition entre dans le cadre de la sortie, au niveau de sa maison d'édition, d'un recueil de textes écrits par Himoud Brahimi, présentés par Jean-René Huleu. Ainsi, sa famille, ses proches et ses admirateurs sont venus nombreux assister à cette commémoration placée sous le signe du recueillement et de la mémoire. Plusieurs intervenants ont pris la parole pour donner leur appréciation sur ce mythique personnage -détenteur de plusieurs facettes- que tout le monde connaît. Le président de la fondation Casbah, Belkacem Babaci, a précisé que tout ce qu'on pouvait dire sur Momo était insuffisant. Il rappelle que le poète était un érudit ayant pour ami, entre autres, l'écrivain et journaliste français, Albert Camus, et le philosophe Garaudy. Momo, qui était viscéralement attaché à La Casbah d'Alger, était l'un des membres fondateurs de l'association Les amis d'Alger, qui deviendra, plus tard, la fondation Casbah. «Quand on se rencontrait, confie- t-il, c'était des débats houleux et sympathiques. Momo, là où il était, mettait de l'ambiance. Parfois, on n'arrivait pas à le comprendre. Pour nous, c'était un personnage sorti des contes des Mille et Une Nuits. C'était le personnage le plus visible. C'était un spectacle de le voir plonger. C'était un bel homme et un athlète. Il était champion du monde d'apnée.» Prenant la parole, la fille de Momo, Doudja, rappelle à la nombreuse assistance que Himoud n'est ni un un pseudonyme ni encore moins un surnom. C'est sa nourrice, M'Barka, qui l'a baptisé de ce nom et ses amoureuses françaises l'ont surnommée Momo. D'une voix tendre, Doudja confie que son père était un enfant de la rue et qu'il a perdu sa mère à l'âge de 14 ans. A 16 ans, il décroche un travail de typographe dans une imprimerie, où une minerve lui broie une partie de la main droite. Son regretté père se plaisait, alors qu'il était adolescent, à déclamer de la belle prose qu'il composait lui-même sur la plage. Elle souligne qu'il a fait de la plongée pour retrouver le ventre de sa mère. Il a passé des nuits et des jours à méditer dans la mer. Il a fait du théâtre et s'est intéressé à toutes les variantes de l'art. «Mon père fréquentait les collèges français à Alger -alors sous occupation- sans être inscrit. Il se battait pour une Algérie libre», dit-elle. En revanche, dira-t-elle, en famille c'était un papa extraordinaire, à plusieurs facettes. Il avait une main de fer dans un gant de velours. «Nous avions une éducation presque militaire et religieuse. Nous n'avions jamais roulé sur de l'or, mais nous étions très heureux. Nous ne manquions de rien. Mon père nous a appris l'amour de l'autre. La vie pour lui était synonyme de sérénité. Je le regrette. Toute ma vie, j'ai toujours cherché mon père à travers mon mari.» Doudja Brahimi préconise d'essayer d'oublier cette image d'un vieillard fou et farfelu avec un couffin à la main. Il avait son style et sa propre mode. Le fondateur de la sauvegarde de La Casbah pleurait en silence. Il a pleuré quand sa femme Zahra était hospitalisée et lors de l'échec de ses enfants. De son côté, le physicien et ami de la famille Brahimi, Redouane Hamza, a avoué qu'il était difficile de cerner un personnage aussi complexe que Momo, surtout quand on l'a connu et surtout quand on a vu les manifestations de son génie. L'orateur estime qu'on a parlé de Momo l'acteur, le poète, l'écrivain, le critique d'art, le membre fondateur de l'Union des écrivains algériens, mais c'est le métaphysicien qui dominera son parcours. «Il était très proche de mon père. Ce lien qui le liait à mon père était celui lien de la connaissance. Himoud Brahimi était une personne qui était accessible. Il a gardé cette attitude humaine qui manque aujourd'hui. Personnellement j'ai connu toute l'affection qu'il avait pour les enfants de ses amis. J'ai quitté l'Algérie en 1976 mais j'ai continué à lui rendre visite à chaque fois que je venais en Algérie», argue-t-il. Le physicien ne manquera pas de rappeler que Himoud Brahimi était influencé par le soufisme. Il a d'ailleurs publié, en 1958, un manifeste sur la théologie et la philosophie intitulé L'identité suprême.