Les compagnons de route et quelques membres de la famille de cette figure emblématique de La Casbah ont tenu à lui rendre hommage à travers une rencontre-débat animée par sa fille Doudja Brahimi, l'historien Belkacem Babaci et Redouane Hamza, physicien et ami de la famille. Avant-hier au Palais des raïs (Bastion 23), les éditions El Ibriz, l'association Lumières et la fondation Casbah ont organisé, dans la salle de conférences de l'édifice qui s'est révélée être insuffisante pour accueillir le flux important de personnes, une rencontre à la mémoire de celui qui fut poète, homme de théâtre, acteur, et recordman de la nage en apnée, Himoud Brahimi, dit Momo. Samira Bendris, organisatrice et directrice des éditions El Ibriz, expliquera que cet hommage intervient à l'occasion de la sortie de Les mots, le verbe et la parole de Jean-René Huleu. "Le livre a été publié ce mois-ci et coïncide avec le 20e anniversaire de la disparition de Momo. Nous avons décidé avec sa fille Doudja d'organiser cette rencontre, de le faire connaître des générations qui ne le connaissaient pas et de partager ses souvenirs avec ceux qu'ils l'ont connu." En présence de sa famille, de ses anciens amis et de nombreux habitants de La Casbah, cette journée a été inaugurée par une exposition de photographies et d'aquarelles de l'artiste Aliane Djilali ainsi qu'une expo-vente d'ouvrages sur Momo, avant de laisser place à la rencontre animée par Belkacem Babaci de la fondation Casbah, Hamza Redouane, physicien et ami de la famille, ainsi que sa fille, Doudja Brahimi. Evoquant les passions de Momo, notamment pour la plongée et le cinéma, M. Babaci, qui a côtoyé le personnage dès son enfance, dira qu'il était un personnage aux multiples facettes. "Il avait tellement d'aspects qu'on ne pouvait le mettre dans une catégorie précise, il était inclassable." De la poésie au soufisme en passant par le cinéma, Himoud était un touche-à-tout. C'est cette indépendance d'ailleurs qui le mènera à "concourir pour le rôle de Tarzan contre l'acteur Johnny Weissmuller", lance-t-il, après avoir accepté un pari de l'un de ses proches consistant en un duel de plongée en apnée contre l'acteur américain. Par ailleurs, et même si "le rôle de Tazran a failli lui revenir", comme le soulignera plus tard sa fille Doudja, Momo aurait assuré quand même "quelques scènes de doublage, où il devait même se battre contre un lion". L'année 1945 signera par ailleurs un tournant pour le chantre de La Casbah, poursuivra l'orateur : "Il a été touché par les évènements de 1945. C'est là que son nationalisme s'est cimenté", avant d'évoquer son admiration pour des auteurs comme Sartre, Kant et Nietzche, et sa "chamaillerie" avec Albert Camus concernant ses positions à l'égard de la question algérienne. La protection de son quartier natal sera également une de ses priorités, pour lequel il se battra contre les obstacles administratifs. La fille du poète, Doudja Brahimi, se concentrera pour sa part sur l'enfance difficile, la sensibilité et la générosité de son défunt père, en expliquant sa passion pour la plongée en apnée comme étant un moyen de "connaître les sensations d'un bébé dans le ventre de sa mère", lui qui a perdu la sienne à un très jeune âge. Cette sensibilité se manifestera également sur sa vie familiale, "notamment lorsque ma mère était malade ou lorsque nous connaissions des difficultés scolaires", précisera l'intervenante. Pour compléter les déclarations de Babaci, elle expliquera, à propos des raisons qui l'ont empêché d'obtenir le rôle de Tarzan, que "les producteurs trouvaient que ses yeux et cheveux noirs ne ressortiraient pas assez à l'écran". L'ami de la famille et fils de l'ancienne citadelle, Redouane Hamza, s'attardera pour sa part sur la spiritualité du boute-en-train, en déclarant qu' "on ne peut comprendre Momo sans comprendre le métaphysicien", en rappelant que le soufisme a grandement influencé sa prise de conscience quant à l'avenir de l'humanité. Un thème qu'il reprendra d'ailleurs dans son manifeste, Identité suprême, en 1958. "Ce qui était dit par Himoud Brahimi était futuriste. Il s'interrogeait déjà sur le moyen de dépasser la dépendance de l'homme à la machine." Yasmine Azzouz