Les Douanes d'El Tarf viennent une fois de plus de s'illustrer par une prise de taille. Elles ont intercepté, vers 15 h vendredi dernier, deux véhicules sur la route menant de Aïn El Kerma à Bouhadjar, à proximité des passages clandestins dans la zone montagneuse de la wilaya où on peut franchir la frontière seulement en enjambant un oued. Les deux voitures, une 406 et une Cielo, avaient à leur bord des cartons remplis de corail brut. La marchandise, 170 kg de corail brut, estimée à plus de 1 700 000 DA, a été saisie. Les trois convoyeurs, deux ressortissants tunisiens et un Algérien, ont été placés en garde à vue. Ils ont été présentés hier au procureur de la République du tribunal de Bou Hadjar. L'amende a d'ores et déjà été fixée à 12 500 000 DA. Cette nouvelle affaire d'évasion de corail met en lumière des faits connus mais pas reconnus. D'abord que l'évasion du corail brut vers la Tunisie et l'Italie n'est pas limitée à El Kala comme ont tendance à le faire accroire les fréquentes saisies effectuées dans ce secteur portées à la connaissance de l'opinion publique. En effet, selon notre source, les personnes impliquées ne sont pas connues pour avoir des relations d' « affaires » avec les gens de la mer de la région. Ensuite, les quantités échangées ou saisies à El Kala ne sont qu'une fraction de ce qui est acheminé vers Torre del Greco, le petit port italien près de Naples qui ne vit que de la transformation du corail et qui reçoit bon an, mal an 4 à 5 t de corail brut algérien exportées illégalement. C'est un minimum pour faire tourner rentablement les ateliers familiaux dont on estime le nombre à plusieurs dizaines. Autre fait révélateur, les convoyeurs interceptés avaient manifestement l'intention d'emprunter les passages transfrontaliers utilisés traditionnellement par la filière internationale (algéro-tuniso-italienne) de l'évasion des escargots et du cheptel. Une collaboration occasionnelle entre collègues ou une extension des activités de la mafia des frontières aux mains de cette coalition internationale ? Dans le second cas, cela suppose, pour le moins, des approvisionnements réguliers et fructueux. Il faut encore noter que ces fraudeurs comme ceux qui les ont précédés dans cette voie ne peuvent pas être inculpés pour avoir été interceptés en détention de corail brut. Il n'y a pas de loi qui l'interdit, et le commerce du corail est légal, contrairement à ce qu'on pourrait croire. Les bons avocats le savent. Les affaires précédentes du même genre se sont, en majorité, soldées par des relaxes ou des amendes infligées pour des délits accessoires comme le défaut de registre du commerce. D'ailleurs, pour calculer le montant de l'amende, on fait appel à la douane (?) qui taxe la marchandise saisie comme s'il s'agissait d'une infraction d'import-export. Parfois, les magistrats sont contraints, pour infliger une sanction, de considérer le corail comme produit prohibé au même titre que les stupéfiants ! Dans ces colonnes, nous avons à plusieurs reprises mis en évidence l'absence de textes pour lutter et mettre fin à des pratiques qui se soldent inéluctablement par la dégradation irréversible des gisements de corail. Sensibilisés sur cette question, les services de sécurité, les Douanes algériennes, les gardes-côtes, la police, la gendarmerie et même de simples gens de la mer déploient des efforts louables, qui restent sans grande efficacité vu l'absence de textes qui sanctionnent sans équivoque le pillage. On vient de remettre en liberté, et c'est leur droit le plus légitime au regard de la loi actuelle, des personnes impliquées dans l'évasion du corail. Le moral des troupes est à zéro. C'est le pourrissement qui prend de l'ampleur.