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Gestion de la capitale algérienne réalités et perspectives (1re partie)
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Publié dans El Watan le 04 - 08 - 2017


Ali Debbi
Professeur en management public.
Université Mohamed Boudiaf de M'sila
Le management public local est évolué considérablement dans les dernières années pour faire face aux changements que connaissent les collectivités locales. En l'occurrence, le nouveau management public a apporté plusieurs éléments du progrès à la gestion publique locale pour améliorer la performance et réaliser les nouveaux principes de la gouvernance locale. La réalité de la capitale d'un pays relève de ce contexte, et son organisation et gestion évoluent avec les nouveautés du management local. Par ailleurs, admettant que la capitale constitue une entité centrale dans la structure territoriale, elle nécessite des dispositifs et des actions plus appropriés pour répondre à ses enjeux complexes.
La capitale algérienne a connu des mutations politiques et des changements économiques depuis l'ouverture démocratique à la fin des années 1980. Les mutations ont bouleversé la réalité de la capitale Alger : explosion démographique, évolution du tissu industriel et tertiaire, et l'amplification des besoins publics. Or, le système de gestion et l'organisation de la capitale algérienne n'a pas suivi ces évolutions, malgré les grands projets inscrits en sa faveur dans le programme national de la relance économique. En effet, il est observé que l'organisation et le système managérial de la capitale semblent incapables de conduire la capitale vers une nouvelle réalité d'une capitale mondiale.
De ce fait, il semble important de s'interroger dans ce papier sur la réalité et les perspectives d'organisation et de gestion de la capitale algérienne : Alger. Nous essayons dans ce papier de répondre à la question suivante : quelle est la réalité de l'organisation de la capitale algérienne ? Et quelles sont les perspectives de sa gestion ?

1. Alger : la réalité d'une capitale en construction
Dans cette partie, nous définissons la notion de la capitale et nous exposons l'histoire de la capitale algérienne et sa gestion actuelle. En l'occurrence, nous montrons à travers l'analyse de la réalité de la capitale Alger la nécessité urgente de sa réorganisation.
1.1. La capitale : définitions et missions
Les écrits sur la définition et les missions de la capitale d'un pays mettent en relief les règles spécifiques de l'organisation de la capitale.

1.1.1. La capitale : un méga conglomérat à gérer
L'usage courant du mot «capitale» fait penser que sa définition est facile, alors que les écrits ne sont pas unanimes pour donner une détermination précise de la notion. La capitale est définie souvent comme la ville principale d'un Etat, ou la ville où siège le gouvernement. Le dictionnaire, le Robert, évoque que la capitale est «la ville qui occupe le premier rang dans un Etat, une province et qui est le siège du gouvernement». Par ailleurs, le Larousse définit la capitale comme suit : «Ville où siège le gouvernement d'un Etat.
Ainsi, la capitale est la ville qui prime les autres du point de vue d'une activité.» Par ailleurs, si plusieurs auteurs recourent à ces définitions simplifiées, le vocabulaire politique et administratif semble incapable de donner une définition convaincante pour l'ensemble de la communauté, en particulier les chercheurs en management public. La littérature enregistre plusieurs critiques à l'égard de ces définitions. Renaudie.0 (2008) indique que la définition de la capitale d'un Etat comme la ville principale de celui-ci qui encourt deux critiques.
La première tient à son imprécision : de multiples critères, d'ordre démographique, économique ou socioculturel, sont en effet susceptibles d'être utilisés pour identifier celle qui occupe le premier rang parmi les villes d'un Etat, il y a ainsi autant de classements possibles que de critères envisageables. La seconde critique tient à son manque de rigueur : de nombreuses capitales ne peuvent être considérées comme les principales villes de l'Etat ; c'est le cas en particulier des villes-capitales des Etats fédéraux, comme Washington, Canberra ou Brasilia, ou comme Rabat. De ce fait, il est préférable d'accepter la définition fondée sur la notion de siège des pouvoirs publics : la capitale peut ainsi être définie comme la ville où siègent de manière permanente les plus hautes autorités de l'Etat.
D'autres auteurs insistent sur des facteurs historiques, culturels et démographiques. Vandelli.l (2004) met en relief ces facteurs en distinguant entre les capitales des grands pays européens. Il estime que ces villes diffèrent sensiblement par leur histoire, leur structure démographique et territoriale, leur place dans leur contexte national respectif. En effet, Paris et Londres, sont capitales dès l'antique origine de leur Etat, alors que Rome n'est devenue capitale de l'Italie qu'en 1870 ; Berlin l'est redevenue après la réunification de l'Allemagne en 1990.
Ainsi, le nombre d'habitants présente un facteur distinguant des capitales. En effet, ces capitales se caractérisent comme les villes les plus peuplées de leurs pays : 740 0000 habitants pour le Grand Londres, 5 400 000 pour la communauté autonome de Madrid, 3 400 000 pour le Land de Berlin, 2 500 000 pour la commune de Rome (la province dépasse les 3 700 000).
La ville de Paris atteint 2 200 000 habitants, l'agglomération métropolitaine arrive à une population de 11 millions. Dès lors, sa gestion nécessite plus de rigueur et de perfectionnement, car leur surpeuplement crée des problèmes de circulation et de transport, de qualité de l'environnement, de sécurité, et des problèmes de logement. Toutes cependant détiennent un grand patrimoine historique et symbolique. En général, ces villes capitales cumulent des situations d'excellence dans les domaines culturel, social et économique. Nous considérons qu'une grande partie des capitales du monde, et de monde arabe en particulier possèdent ces caractéristiques, et l'analyse des missions permet de clarifier davantage la notion de la capitale.
1.1.2. Missions et règles spécifiques de la capitale
Expliquer le rôle d'une capitale dans un pays enrichi la définition de la capitale. Renaudie.o (2008) indique que la capitale assume deux fonctions principales : un symbole de l'unité nationale, et la fonction diplomatique. Pour la première fonction, la capitale est le centre de l'activité politique et le lieu où sont définies les politiques nationales. Elle est aussi le lieu préférable pour l'opposition d'exprimer ces positions, en particulier sous forme de manifestations. En conséquence, exclure les marches dans la capitale induit alors le gèle de cette fonction. La capitale accepte aussi toutes les voies des différentes régions du pays, et se voient unifiée par ce lieu de rassemblement. La capitale regroupe, unifie mais elle «prononce» aussi le souhait et la concrétisation du changement radical dans le pays. Elle présente le point de départ de l'histoire d'un pays, ainsi que la case finale : le relais d'un cycle. La seconde fonction couvre l'activité diplomatique de la capitale : siège permanent des organes suprêmes de l'Etat, la capitale abrite les diplomates qui représentent les Etats étrangers. A ce titre, elle peut être considérée comme un centre de l'activité diplomatique.
Alors, on suppose que des règles spécifiques sont applicables à la capitale qui confronte des enjeux politiques, administratifs et financiers. En premier lieu, l'autonomie de la capitale de l'administration centrale varie d'un pays à un autre et dépend essentiellement de l'organisation de l'administration territoriale du pays. De ce fait, «l'ingérence» et la tutelle de l'Etat prennent différentes formes selon les pays. Dans ce sens, la question de l'équilibre national-local et la balance des intérêts paraît comme un vecteur distinguant. En effet, cette question est omniprésente dans le cas des capitales fédérales. Van Wynsberghe.C (2003) montre que les capitales fédérales s'étalent sur l'axe intérêt local-intérêt fédéral : une extrémité correspond à une priorité exclusivement portée sur les intérêts fédéraux et dont l'opposé serait un intérêt entièrement tourné vers le local. Cette démonstration permet de comparer des différents cas afin de dégager des tendances ou, encore, de mettre en évidence les cas particuliers.
L'auteur véhicule des exemples qui montrent l'élasticité de l'autonomie en fonction du régime politique : «le cas extrême d'Abuja qui est entièrement sous la coupe du président fédéral et de l'assemblée nationale. Brasília jouit des pouvoirs exécutif et législatif, mais contrairement aux autres entités fédérées du pays, elle ne dispose pas du pouvoir judiciaire qui est conservé par le fédéral. A Canberra, le National Capital Authority joue un rôle de planification de la ville, tandis qu'à Buenos Aires, la seule interférence du fédéral concerne la police et la justice ; pour le reste, il s'agit d'une entité fédérée comme les autres dans le pays. Washington n'a gagné son ‘‘Home Rule'' qu'en 1973, ce qui n'a pas pour autant signifié une indépendance totale puisque, entre 1995 et 2001, la gestion de la ville a été soumise au contrôle d'un comité de surveillance financière désigné par le Président américain». S'ajoutent à ces éléments, des règles spécifiques qui gèrent la capitale dans le monde et qui concernent en particulier les points suivants :
Le contrôle du budget et le financement de la capitale : Une capitale doit faire face à de nombreuses responsabilités, de compétences et de dépenses inhérentes à son statut particulier. En principe, pour avoir une vraie autonomie envers l'Etat, vu ses missions importantes, la capitale devrait avoir la prérogative de contrôler son budget. Concernant les ressources, la capitale cherche ses propres ressources, et une concentration économique lui a offert des flux financiers importants : un facteur d'autonomie. En outre, cette situation n'exclut pas l'existence de transferts d'argent de l'Etat qui correspondent à l'accueil des représentants diplomatiques. Ainsi, le transfert pourrait être dans le sens inverse où la capitale verse des contributions financières dans le cadre de la solidarité territoriale.
La localisation : les écrits s'accordent à reconnaître l'importance symbolique de la capitale dans un pays. Elle est toujours vue comme représentant de l'unité nationale. Les citoyens de tout le pays doivent pouvoir s'identifier à leur capitale, et pas seulement les habitants de celle-ci. La capitale est aussi une des premières images du pays véhiculées à l'étranger. C'est pour ces raisons que le choix de la localisation de la capitale est un point crucial dans l'établissement de cette première ville du pays (Van Wynsberghe. C, 2003). En fait, on peut distinguer entre deux types de capitales : des capitales planifiées qui sont des nouvelles implantations et qui assurent la neutralité et qui peuvent atténuer les tensions entre les composantes du pays. Le deuxième est des capitales historiques, des capitales qui ont hébergé depuis des siècles les instances du gouvernement du pays : Alger est un exemple.

1.2. Les réformes du système administratif de la capitale depuis l'indépendance
L'observation de l'évolution du management de la ville d'Alger depuis l'indépendance montre ses carences et ses limites. En effet, la législation algérienne n'a pas réussi une reconfiguration radicale de la capitale, au contraire, elle a gardé dans chaque initiative de changement la forme initiale d'organisation. Ce constat est vérifié même si les nouveaux dispositifs successifs donnent l'impression qu'il s'agit de nouveaux statuts juridiques pour la capitale, et des nouvelles formes de management et de nouveaux styles d'organisation des services publics de la capitale. L'analyse des écrits sur l'évolution institutionnelle de la capitale algérienne confirme l'immobilisme du style de gestion de la capitale, malgré les successions d'initiatives de changement. Dans la suite, nous résumons les principales étapes d'évolution de l'organisation de la capitale algérienne.
La période 1959-1967 : le décret 159-131 du 24/02/1959 a organisé la ville d'Alger avec dix communes gérées par des maires élus, nommés après l'apparition d'un nouveau décret en 1960. La ville d'Alger est soumise à cette époque au pouvoir du préfet qui incarne le contrôle de la tutelle sur la commune, ce qui affaiblit le principe de la décentralisation. Après l'indépendance, le changement n'est venu qu'après l'adoption du code de la commune de 1967 qui donne à la ville d'Alger un statut spécifique, incarné par le décret 67-30. Ce décret indique ainsi que l'APC désigne un élu pour gérer l'arrondissement urbain (article 08), et donne plusieurs prérogatives d'exécution au secrétaire général de la ville d'Alger (articles 18, 19 et 20), mais qui préserve le contrôle à la tutelle sur la capitale.
La période 1967-1997 : durant cette période, la législation a enregistré l'apparition de l'ordonnance 77-08 qui correspond à l'organisation de la ville d'Alger.
Deux instances gèrent la capitale algérienne : les Assemblés populaires communales et le conseil populaire de la ville d'Alger. Ainsi, cette ordonnance a donné plus de prérogatives au secrétaire général de la ville d'Alger. Par ailleurs, la nouveauté de ce texte est d'annuler les arrondissements urbains, et consacrer la commune comme l'entité principale. Dans le nouveau code de la commune 90-08, le législateur algérien a maintenu pour une autre fois la structure initiale de la capitale, et un texte spécifique à la capitale n'a pas suit ce code. Le décret 90-207 a institué le conseil urbain de coordination, constitué d'un ensemble des communes, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, présidé par un des maires de ces membres. Or, ce conseil qui encourage la coopération intercommunale n'est jamais installé, alors qu'il semblait important pour concrétiser une nouvelle réorganisation de la ville d'Alger.
L'arrondissement urbain (1997) : la capitale a pris sa nouvelle image différente des autres collectivités territoriales par l'ordonnance 97-15, qui instaure le gouvernorat avec une nouvelle organisation territoriale de la wilaya d'Alger. Une nouveauté principale de cette ordonnance est d'adopter une nouvelle structure dénommée arrondissement urbain, qualifié comme «une super daïra» dirigée par un responsable dénommé par la loi «le wali délégué», inférieur au wali et supérieur au chef de daïra, est qualifié comme «un super chef daïra». La remarque principale dans ce changement de l'organisation de la ville d'Alger réside dans la faible importance de changement procédé. En fait, Ce changement est venu pour renforcer le rôle de la tutelle.
Le gouvernorat d'Alger ou le changement rejeté : l'ordonnance 97-15 du 31 mai 1997 a fixé le statut particulier du Gouvernorat du Grand Alger et il a prévu la création du conseil du Gouvernorat (Assemblé populaire de la wilaya) présidé par «le président du conseil du Gouvernorat» qui détiennent des compétences séparées de celles du «patron» de la capitale : le ministre gouverneur du Grand Alger (article 05). Ainsi, il instaure l'arrondissement urbain (article 07) qui est doté de la personnalité morale, de l'autonomie financière, et d'une Assemblée populaire (son président est le chef de l'arrondissement).
En outre, ce texte maintien la commune (article 13) et lui confie plusieurs compétences qui sont régies par le code de la commune 90-08. Cette nouvelle configuration de la capitale implique des changements profonds : l'autonomie et l'indépendance vis-à-vis de l'administration centrale, la concrétisation de la décentralisation «interne» pour l'arrondissement et la commune, et en conséquence le renforcement de la démocratie locale à Alger et qui pourrait être divulgué et généré dans le reste des collectivités territoriales en Algérie. Il s'agit aussi de créer un cadre institutionnel «puissant» qui s'occupe des problèmes infinis et infernaux d'Alger, et charger «un ministre» par le management de la capitale et qui assiste au Conseil des ministres ! A notre avis, l'esprit de ce changement était dans le bon sens, mais les pratiques qui en ont suivi avaient lancé plusieurs critiques. Une critique qui parle du poste du «ministre gouverneur» injustifiée, et d'autres qui accusent ce changement de joindre les communes (et leurs terrains !) des trois autres wilayas voisines. Et la décision (27 février 2000) du Conseil constitutionnel vient pour déclarer l'ordonnance 97-15 fixant le statut particulier du Gouvernorat du Grand Alger «inconstitutionnelle». Même si cette décision est justifiée et argumentée juridiquement, elle est pour nous un coup dur à la volonté de réorganiser la ville d'Alger.
1.3. La réalité difficile de la capitale algérienne : l'urgence de la réorganisation
L'analyse de la réalité de la capitale algérienne fait révéler les arguments d'une urgence de réorganiser et de revoir le système de gestion de la ville d'Alger. Notre lecture de cette réalité permet de résumer les arguments de la nécessité d'une réorganisation dans les points suivants.
1.3.1. Les dommages de la période du terrorisme :
L'Algérie a beaucoup perdu sur tous les plans, dans la période du terrorisme. Les villes algériennes ont souffert pendant ces années des dégâts causés par le terrorisme, et elles ont enregistré un retard important en matière de développement économique et social. Un chaos qui a installé un nuage sombre sur les villes, en particulier sur la ville d'Alger. En effet, des dégâts matériels ont été enregistrés à cause des attentats et des actions antiterroristes. Enorme dégradation des biens publics, destruction des services municipaux, rupture en eau et en électricité, fermeture et dégradation des routes, fermeture des biens collectifs, etc. Ces circonstances ont privé les citoyens des services publics locaux et ont rendu la vie à Alger comme les autres villes, moins sûre, moins sécurisée, et moins «humaine» !
D'autant plus, cette période a stoppé le développement local, ce qui a influencé sur l'offre public, alors que le nombre de résidants d'Alger ne cesse pas de s'envoler. Un déséquilibre entre offres et besoins publics, ce qui amène à des situations sociales insupportables dans «la capitale du pays» : insuffisance de l'eau potable, insuffisance des routes, peu d'offres de logement, absence d'animation culturelle, dégradation des services de santé, etc. Dès lors, pour mieux répondre aux exigences du post-terrorisme, l'Etat algérien a engagé plusieurs démarches pour réparer ces dégâts, et il a dépensé des milliards de dinars pour booster le service public, réhabiliter les biens communs, construire de nouvelles infrastructures, rattraper le retard et faire face aux besoins et attentes des citoyens. Une telle orientation passe nécessairement par la réorganisation de la capitale et la conception d'une nouvelle forme de gestion.
A suivre


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