Le rideau va tomber sur les �lections portant renouvellement des Assembl�es locales du 29 novembre. Une �lection double jumel�e (APC-APW) annonc�e par une campagne qui fut une fois de plus, d�aucuns diront une fois de trop, conforme en tous points � toutes les campagnes d��lections organis�es depuis le d�but du mill�naire : morose, d�cal�e et d�teignant de mani�re quasi-surr�aliste et de plus en plus insupportable sur les milliers d�espaces publics qu�elle continue de polluer en toute impunit� de ses millions d�affiches sauvages lac�r�es, de ses bruyants flonflons et de ses d�cibels assourdissants. Une �campagne� qui �marge plus au registre du tapage public, en r�alit� a celui non avou� d�une pr�-campagne pr�sidentielle aux relents revanchards pour les ombres �chinoises� int�ress�es qui s�y projettent pr�matur�ment et subrepticement, qu�� celui plus soft, plus sain d�une rencontre de proximit� ciblant fondamentalement le sens civique et citoyen des �lecteurs et leur disponibilit� � participer au pacte de gouvernance dont ont tant et si cruellement besoin aujourd�hui nos collectivit�s territoriales. Les le�ons d�une double campagne �lectorale (APC-APW) aux enjeux bien plus qu�historiques Que retenir d�sormais de cette campagne pour des �lections locales jumel�es qui interviennent pourtant dans le cadre de la mise en �uvre des r�formes d�cid�es solennellement par le premier magistrat du pays un certain 15 avril 2011 ? Ce jour-l�, le pr�sident Bouteflika avait en effet annonc� une �r�vision profonde� de la loi �lectorale pour permettre aux Alg�riens d'�exercer leur droit dans les meilleures conditions, empreintes de d�mocratie et de transparence�. La loi �lectorale a bel et bien �t� r�vis�e, mais les pratiques �lectorales d�un autre �ge sont rest�es les m�mes. Pire, elles ont r�gress� ! De mani�re chaque fois plus scandaleuse encore ! Le deuxi�me facteur qui tendait en toute logique � conf�rer � ces �lections locales une importance et une tonalit� quasi-historiques, est qu�elles se d�roulent l�ann�e du cinquantenaire de l�Ind�pendance du pays et en application de nouvelles lois r�glementant l�espace d�interm�diation n�vralgique entre l�Etat et le citoyen, que constituent la wilaya et la commune. Des lois attendues depuis plus de deux d�cennies ! Qu�apporteront au cours de leur mandat �lectoral qui s��talera sur les cinq longues et d�cisives prochaines ann�es pour l�avenir du pays, les mal-�lus qui surgiront des urnes samedi prochain, � la revitalisation durable de cet espace de confluence des int�r�ts bien compris de l�Etat et des citoyens que sont les collectivit�s territoriales ? Si l�on devait s�en tenir exclusivement � la physionomie g�n�rale de la campagne qui vient de s�achever et � l�analyse cons�quente et sans complaisance des discours � la d�solante st�rilit� �servis� aux quatre coins du pays, nous r�pondrions sans la moindre h�sitation : rien ! Quant au programmes �lectoraux, les vrais, ceux qui correspondraient aux r�els enjeux d�une gouvernance locale, ceux qui expliqueraient ce qu�est devenue la d�centralisation cinquante ans apr�s l�ind�pendance, le (ou les) contenu(s) possible( s) de la d�mocratie locale ou encore la r�forme des finances locales, motus et bouche cousue. Bonne gouvernance, d�accord, d�mocratie d�abord ! Aucune avanc�e notable, s�rieuse, r�ellement tourn�e vers l�avenir dans le processus d�affranchissement des collectivit�s locales des lourdes pesanteurs qui ont contrari� jusque-l� leur naturel �lan d�apprentissage des vertus de la saine d�mocratie locale, ne saurait �tre envisag�e sans la clarification, voire la reconfiguration franche et loyale du lien qui les lie � l�Etat central. Un lien ombilical combien vital et nourricier au lendemain de l�ind�pendance, devenu un demi-si�cle plus tard, c'est-�-dire aujourd�hui, d�finitivement d�vitalisant et asphyxiant. Cette exigence qui constitue un pr�-requis fondamental � la promotion d�une �bonne et saine� gouvernance locale, n�cessite elle-m�me une reconfiguration en amont des missions de l�Etat, qui doit plus que jamais voir son r�le �recentr� autour de la prise en charge des missions r�galiennes de puissance publique. Et Dieu sait qu�elles sont nombreuses et vari�es ! Abordant cette question, le rapport g�n�ral du Comit� de la r�forme des structures et des missions de l�Etat �labor� en 2011 � la demande du pr�sident de la R�publique, tranche sur le vif : �La r�forme de l�Etat implique pour les collectivit�s territoriales, de nouveaux principes fondateurs, s�articulant autour du d�veloppement d�une dynamique d�autonomisation des pouvoirs locaux, seule � m�me de participer � la restauration de l�autorit� de l�Etat et � la reconqu�te de sa cr�dibilit�. Elle implique �galement la r�novation du mode de gouvernance locale, (�) la promotion et la consolidation de la d�mocratie locale comme nouveau champ de r�gulation des rapports entre l�Etat et le citoyen.� Sans commentaire. Pour se convaincre davantage de l�in�luctabilit� de cette �volution sugg�r�e par ce rapport, il n�y a qu�� la rafra�chir et la revalider par les derni�res recommandations (30 d�cembre 2011) du plus important diagnostic strat�gique du d�veloppement local jamais organis� en Alg�rie : la �Concertation nationale sur le d�veloppement local�, men�e tambour battant pendant des semaines par le Conseil national �conomique et social. Ses propositions : Recentrage du r�le de l�Etat � travers sa r�installation dans un p�rim�tre strat�gique, approfondissement de la d�centralisation, r�forme de la gouvernance et de la fiscalit� locale,� La r�habilitation de la f�condit� multiple du couple d�concentration- d�centralisation Pour autant qu�elles appellent une r�forme globale des missions de l�Etat moins saccad�e et plus lin�aire, lisible dans ses d�clinaisons territoriales, les nouvelles r�alit�s politiques, �conomiques et strat�giques actuelles de notre pays relancent le besoin urgent de �d�poussi�rage �, de reconfiguration de l�articulation du socle fondateur de toute r�forme de la gouvernance locale, constitu� par le vieux couple d�concentration-d�centralisation. Toujours affirm�s depuis le premier code communal en 1967, la n�cessit� vitale de la d�concentration et les imp�ratifs de la d�centralisation se sont heurt�s aux lourdeurs, blocages et r�ticences d�un syst�me d�administration marqu� par ses racines jacobines h�rit�es du napol�onisme aux couleurs coloniales, g�n�rant des rigidit�s bureaucratiques de plus en plus �touffantes. Le recentrage des administrations centrales de l�Etat sur leurs missions de prospective strat�gique, de r�gulation et de contr�le, implique, par voie de cons�quence, un d�lestage et un red�ploiement urgent des responsabilit�s sur les espaces d�concentr�s et surtout d�centralis�s. Au nom d�une d�centralisation �canalis�e� et �instrumentalis�e �, les collectivit�s territoriales et tout particuli�rement les communes, se sont en effet install�es et � leur corps d�fendant dans une logique de d�pendance, agissant essentiellement comme unit�s administratives appendices de l�Etat, d�laissant et marginalisant ainsi et de mani�re de plus en plus visible � l��il nu, toutes leurs fonctions de proximit� sociale et de r�elle �coute des citoyens. Ces graves d�rives des collectivit�s locales alg�riennes de leurs missions de proximit� originelles, conjugu�es aux errements induits par les manifestations �lectorales d�un pluralisme d�brid� au cours des deux d�cennies (1991-2011), ont fini par cr�er les conditions d�une rupture de contrat liant les �lus � leur population, pr�cipitant ainsi la crise de l�gitimit� des institutions locales. Ces collectivit�s sont aujourd�hui frapp�es d�une double incapacit� de servir et l�Etat et le citoyen. Le miroir grossissant de la crise d�identit� des collectivit�s territoriales : Les finances publiques locales Les finances publiques locales n�ont jamais �t� ins�r�es dans l�ordre des pr�occupations nationales prioritaires. L��autonomie � financi�re des wilayas et des communes est trop longtemps rest�e tributaire d�un syst�me de financement d�sormais largement obsol�te de leurs budgets caract�ris�, essentiellement, par : � L��tatisation presque totale de la fiscalit� dite locale� constitu�e de produits en grande partie centralis�s et redistribu�s, selon des m�canismes de p�r�quation et de solidarit� de plus en plus inadapt�s aux particularit�s et surtout aux besoins des wilayas et des communes. � L�affectation par l�Etat de dotations de cr�dits d��quipement, selon des proc�dures lourdes, complexes et toujours d�cal�es par rapport aux �volutions et aux dynamiques de d�veloppement multiples enregistr�es. Ce syst�me de gestion, adoss� � la mamelle particuli�rement g�n�reuse de la rente p�troli�re de l�Etat-Providence et par ailleurs fig� dans son organisation et ses proc�dures, n�a enregistr� aucune �volution (malgr� plusieurs r�formes dont la derni�re date de 2006), susceptible de tenir compte des n�cessit�s de participation effective des �lus locaux � la gestion de leurs ressources et de leurs d�penses. Il a atteint ses limites �historiques� de son obsolescence avanc�e, lorsqu�il a �t� travers� et aggrav� � partir de 1986 par une s�rie de secousses qui ont eu pour r�sultat, d�amenuiser, voire de r�duire de mani�re drastique les ressources affect�es �par le haut� aux communes et aux wilayas, entra�nant ces derni�res dans le tourbillon sans fin de l�endettement cyclique devenu depuis structurel. Ainsi, de 52 communes sur 1 541 en 1986 (3%), le chiffre des communes d�ficitaires est pass� � 1 249 en 2006, soit plus de 80% ! Le plus grave dans ce tableau peu reluisant est la propension � la reproduction syst�matique �largie et tr�s rapide de ces d�ficits, m�me quand ils sont, comme ce fut le cas en 2006, ��pong�s� d�un revers de main par l�Etat. L�exemple le plus symptomatique � ce sujet est celui de la wilaya de Sidi-Bel-Abb�s dont la dette des 45 communes sur les 52 qu�elle compte (86%) a �t� rachet�e par l�Etat en 2006. Cette wilaya s�est retrouv�e de nouveau et moins d�une ann�e plus tard avec 50% de communes d�ficitaires ! Le redressement salutaire des finances locales ne peut donc et, par voie de cons�quence, s�op�rer qu�en r�novant de fond en comble et cette fois �de bas en haut� le syst�me global de finances locales, sur la base d�une autonomie financi�re r�elle et effective des collectivit�s territoriales et sur la reconnaissance au profit de ces derni�res, du droit irr�fragable de mobiliser les ressources correspondant � leurs charges. C�est la premi�re condition � l�av�nement d�une d�mocratie locale, ayant pour finalit� la satisfaction des besoins r�els, de plus en plus vari�s et chaque jour qualitativement nouveaux du citoyen. Gouvernance locale et soci�t� civile Exigence de la d�mocratie, la concertation sociale et d�une mani�re plus large l�implication des acteurs locaux dans toute la diversit� de leur intervention et de leur statut, � la mise en mouvement de l�action publique, est aussi un des fondements de la bonne et saine gouvernance, tant au plan national que local. Tout Etat soucieux de l�efficacit� de son action se doit en effet d��tre � l��coute permanente et sinc�re de la soci�t� civile et s�assurer de l�acceptabilit� et de l�applicabilit� des d�cisions qu�il prend et des mesures qu�il met en �uvre. Il s�agit l� d�un mouvement universel n� au cours des ann�es 1990, qui tend � int�grer de plus en plus dans les crit�res de bonne gouvernance, la pratique du dialogue et de la concertation avec les syndicats, les organisations professionnelles, les associations et les groupements d�int�r�t. L�Alg�rie n�a pas attendu la chute du mur de Berlin pour se familiariser et m�me mettre en �uvre �pisodiquement ces nouveaux concepts s�apparentant � ce qui est aujourd�hui appel� gouvernance. C�est paradoxalement au lendemain de l�ind�pendance que notre pays a exp�riment�, pour la premi�re fois � l��chelle locale, ces pr�cieux modes de concertation. Il s'agit, entre autres, des �commissions d'intervention �conomique et sociale�, cr��es par l'ordonnance du 9 ao�t 1962 au si�ge de chaque pr�fecture. Ce texte pr�voyait la possibilit� de mise en place de commissions similaires au si�ge de chaque sous-pr�fecture et de chaque commune. R�unissant des repr�sentants de la population, des techniciens des services publics et des entreprises priv�es, ces commissions avaient pour mission �d'assister � les organes ex�cutifs locaux dans leurs attributions �conomiques et sociales. Les diff�rents gouvernements ont par la suite pratiqu�, � des degr�s variables, la concertation organis�e dont les plus connus sont au niveau local les Assembl�es populaires communales �largies pour la mise en �uvre de la r�volution agraire (1972-1978) et la �tripartite� au niveau national, au cours de ces derni�res ann�es. Utilis�s tant�t comme lieux d�arbitrages politiques complexes au niveau local (r�volution agraire) ou chambres de �d�compression sociale� et lieu de dialogue fructueux (tripartites) au niveau national, ces modes de concertation ont chaque fois d�montr� leur efficacit�. Malgr� cette utilit� �vidente jamais d�mentie, les actions de concertation, notamment au niveau local, n�ont jamais fait l�objet d�une organisation rationnelle, coh�rente, syst�matis�e et institutionnalis�e. La loi n�11-10 du 22 juin 2011 relative � la commune n�a pas cru devoir l�gif�rer de mani�re convaincante sur cette n�vralgique et vitale question, et ce, malgr� l�insertion en son sein d�un nouveau titre complet intitul� �la participation des citoyens � la gestion des affaires de la commune�. L�utilisation abusive dans ce paragraphe de la loi de la locution �l�APC peut�� ou encore de formules staliniennes d�un autre �ge du type �encadrement ad�quat des initiatives locales� ach�ve de remettre en cause l�effet d�annonce pour le moins d�magogique du titre sous lequel sont �livr�s� les articles 11, 12,13 et 14 consacr�s � cette �ouverture d�mocratique� plus conc�d�e que librement consentie ! M�me les assises des premiers �tats g�n�raux de la soci�t� civile alg�rienne, organis�es en grande pompe par le CNES la veille de la promulgation de ce nouveau code communal (14 au 16 juin 2011), sanctionn�es par l'adoption d'une charte et d'une d�claration finale recommandant la �cons�cration du r�le de la soci�t� civile dans un cadre institutionnel appropri�, n�ont pas eu d��cho au sein de l�h�micycle des deux chambres. Dommage pour la soci�t� civile et surtout pour l�efficacit� de l�action de l�Etat lui-m�me ! Les autres chantiers strat�giques de la gouvernance locale Nous ne pouvions �puiser dans le cadre de la pr�sente contribution l�ensemble des th�matiques li�es � la n�cessaire et urgente adoption de nouveaux modes de gestion devant enraciner, consolider et irriguer les sillons et fertilit�s multiples reconnus � la gouvernance locale, sans les compl�ter utilement par quelques autres chantiers d�appoint strat�gique qui m�riteraient d�enrichir durablement les d�marches pratiques de management territorial de ce mode de gestion. Il s�agit principalement : � de la r�habilitation de la ressource humaine des collectivit�s locales, notamment celles des communes gravement sous-qualifi�e et pl�thorique ; � de la revitalisation des �territoires dormants � et �inexploit�s� � travers la reconfiguration de la taille g�ographique et �conomique sous ou surdimensionn�e des territoires des collectivit�s locales (zones montagneuses, statut des grandes villes et pas seulement de la capitale, vastes communes du Sud� ) Cette action pourra se r�aliser � travers un nouveau d�coupage d�coupage territorial optant d�lib�r�ment pour des territoires pertinents, lib�r�s des logiques f�odales du �wilayisme� st�rilisant, qui a emp�ch� les collectivit�s territoriales alg�riennes de voir leur logique de croissance honor�e et utilement f�cond�e, en raison de la peur qui tenaille aujourd�hui encore les pouvoirs publics, chaque fois qu�il faut programmer et r�aliser un d�coupage territorial (le dernier d�coupage territorial date de 1984 !) ; � en imposant de nouvelles lignes d�assemblage � l�articulation de l�action publique des structures d�concentr�es de l�Etat et de celle de plus en plus autonomis�e des collectivit�s locales, la dynamique ascendante de la gouvernance locale va interpeller, voire bouleverser l�architecture institutionnelle traditionnelle par trop rigide de l�organisation territoriale, qui sera amen�e � consacrer, t�t ou tard, et sans complexe aucun, un espace interm�diaire entre la wilaya et le niveau central. Cet espace de plus en plus n�cessaire, de plus en plus r�gulateur de l�action publique territoriale a pour nom la r�gion. Le cha�non manquant : l�espace de gouvernance supra-national maghr�bin Dans ce nouvel �difice reformat� � l�aune des exigences d�une �conomie mondialis�e qui reconfigure ses espaces strat�giques desquels l��quation de notre pays- continent n�est jamais absente, le principe de subsidiarit� qui vise � privil�gier le niveau inf�rieur d�un pouvoir de d�cision, aussi longtemps que le niveau sup�rieur ne peut pas agir de mani�re plus efficace, trouvera toute sa pertinence et sa pleine justification. Et peut-�tre que ce jour-l�, nos nouveaux territoires pertinents de gouvernance s�enrichiront d�un nouvel espace de d�ploiement de cette subsidiarit� qui manque terriblement aujourd�hui � son relief, � son identit�, � son �toffe : l�espace maghr�bin, territoire de tous les futurs dont nous r�vons d�j� en cette ann�e de cinquanti�me anniversaire de l�Ind�pendance ! M. K. * Ex-directeur de la r�glementation et du contentieux du Gouvernorat du Grand- Alger. Ex-professeur-associ� � l�Ecole nationale d�administration.