La Chambre de commerce et d'industrie de Paris et l'Ecole supérieure algérienne des affaires ont organisé, mercredi 22 novembre, à l'Ecole supérieure de commerce de Paris, une importante conférence sur les mutations du marché algérien. De nombreux spécialistes et hommes d'affaires français et algériens ont livré d'intéressants points de vue sur l'économie algérienne, dont ils pronostiquent un bon avenir, pour peu qu'elle avance un peu plus dans la mise en œuvre des réformes. Le constat établi est que le train des réformes engagé, même s'il est encore insuffisant, a déjà bouleversé l'économie algérienne, fortement étatisée, il y a quinze années à peine, en libérant le secteur privé, dont les entreprises réalisent, aujourd'hui, l'essentiel de la richesse nationale hors hydrocarbures. Abdelatif Benachenhou a fait le constat de cette fulgurante percée du privé algérien en seulement cinq ans, car, dit-il, il faut soustraire les dix années d'insécurité, peu propices au développement des affaires, qu'a connues le pays. L'enjeu, aujourd'hui, affirme-t- il, consiste à mieux manager nos entreprises, notamment les plus importantes d'entre elles, en les dotant d'équipes managériales performantes. Un pari, ajoute-t-il, qu'elles ne pourront gagner que dans la mesure où elles passent du mode de gestion familiale, qui prévaut aujourd'hui dans la quasi totalité d'entre elles, à celui plus moderne et performant, basé sur une propriété plus diversifiée du capital des entreprises. Un constat qui n'a, évidemment, pas fait l'unanimité des chefs d'entreprises privées présents à la conférence, qui, à l'instar de Slim Othmani, patron de NCA Rouiba, n'a pas manqué de relever que l'écrasante majorité des entreprises dans le monde, parmi lesquelles figurent de très grands groupes internationaux, sont des sociétés familiales. Ce statut n'affecte en aucun cas leurs performances et il ne voit pas pourquoi il affecterait celles des entreprises familiales algériennes. La plupart des entreprises algériennes ont pris conscience de l'importance de la formation continue dont bénéficient aussi bien les cadres que les personnels d'exécution. La qualité du management serait, de ce fait, en constante amélioration. La réponse aux sous-performances de nos entreprises, en général, affirme à juste titre ce chef d'entreprise, se trouve beaucoup dans l'incapacité des pouvoirs publics algériens à mettre en œuvre les ajustements multiformes nécessaires à l'instauration d'un bon climat des affaires. Beaucoup plus que les propos triomphalistes et quelque peu provocateurs à l'égard des entreprises privées algériennes qu'a tenus notre ex-ministre des Finances, ce sont les exposés d'entrepreneurs et cadres dirigeants de sociétés privées qui ont le plus intéressés l'assistance, en grande partie constituée d'hommes d'affaires algériens ou d'origine algérienne, installés en France. Aussi bien dans les propos qu'ils ont tenus à la faveur des débats que dans ceux que nous avons recueillis en marge de la rencontre, on peut ressentir une certaine exaspération quant à l'incapacité de nos gouvernants à améliorer convenablement le climat des affaires et à mobiliser les énergies disponibles, aussi bien en Algérie que dans la communauté émigrée. Une marginalisation très mal vécue par beaucoup d'hommes d'affaires algériens installés en France, qui revendiquent, de plus en plus fort, leur contribution à l'effort de développement de leur pays. Leur revendication est d'autant plus forte que l'Algérie représente, pour bon nombre d'entre eux, un espace d'affaires promis à un bel avenir, contrairement à la France, dont on se plaint de l'insuffisance de croissance économique, de normes européennes de plus en plus restrictives et de la trop forte concurrence. Un de ces chefs d'entreprise expatrié voit même “l'avenir beaucoup plus en Algérie, pays jeune et aux énormes potentialités, dont on commence de surcroît à percevoir les signes avant-coureurs d'un prochain décollage économique qui aura des effets bénéfiques sur toute l'Afrique du Nord”. C'est sans doute ce qui explique l'empressement de nombreux hommes d'affaires émigrés à saisir le plus rapidement possible une opportunité d'affaire en Algérie qui leur permettrait d'espérer un retour “par la grande porte” dans leur pays. Mais leurs appréhensions, corroborées par les exposés de dirigeants d'entreprises, comme Slim Othmani de NCA Rouiba et Jean Beucher (Cevital) faisant état de l'environnement peu favorable aux affaires qui prévaut encore en Algérie, restent fortes, en dépit des nombreuses réussites entrepreneuriales dont ils ont connaissance. L'Algérie, dont la richesse est aujourd'hui essentiellement constituée des recettes d'hydrocarbures, a pourtant tout intérêt à impliquer la communauté d'hommes d'affaires émigrés dans son effort de développement. L'apport de ces acteurs économiques, possédant aussi bien l'expertise que les capitaux requis pour à la fois produire et exporter, constitue pourtant une chance inouïe pour notre pays. Avec eux, l'Algérie a toutes les chances de préparer l'après-pétrole, en diversifiant sa production et ses échanges, ces hommes d'affaires étant bien souvent familiers des marchés susceptibles de constituer des débouchés pour nos produits. Dans le contexte de mondialisation que l'Algérie doit subir au même titre que tous les pays de la planète, notre communauté d'hommes d'affaires expatriés peut, à l'évidence, jouer un rôle majeur et il faut de ce fait que nos gouvernants pensent d'ores et déjà à l'intégrer, en sollicitant chaque fois que nécessaire leur concours, mais, aussi et surtout, en simplifiant les conditions de création d'entreprises en Algérie. C'est sans doute le meilleur gage d'un retour utile de cette communauté dans son pays d'origine.