En faisant l'annonce historique depuis Le Caire en 1955 de la dissolution de l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA), et son ralliement au FLN, Ferhat Mekki Abbes, le chef emblématique de ce parti, marquera le début d'une étape importante dans l'histoire de la Guerre de Libération. Une date qui marquera aussi la fin du parcours riche et impressionnant d'un vrai parti nationaliste depuis sa création en 1946. Une histoire aussi fascinante qui mérite d'être étudiée, analysée et révélée au public connaisseur ou profane, surtout qu'elle reste encore occultée à ce jour en raison de l'image qui colle toujours à l'UDMA, qualifiée dans les milieux politiques et même au sein de la population de l'époque de «parti de bourgeois et de notables», ou de «formation politique laïque, antireligieuse, assimilationniste, proche de l'administration coloniale et qui fut contre la lutte armée». Des images que Malika Rahal a tenu à démonter lors d'une conférence animée, lundi dernier, au centre culturel M'hamed Yazid de la ville d'El Khroub, dans la wilaya de Constantine, à l'initiative de l'Office du sport de la culture, des loisirs et du tourisme (Oscult). Venue présenter au public constantinois son dernier ouvrage L'UDMA et les Udmistes – Contribution à l'histoire du nationalisme algérien, paru aux éditions Barzakh en 2017, Malika Rahal a surtout étalé toute sa classe en abordant un sujet qu'elle maîtrise parfaitement. Un exposé qui nécessitera un retour sur le parcours politique très riche de Ferhat Mekki Abbes, fondateur du parti, qui a milité durant des années pour le droit des Algériens à la citoyenneté et à l'égalité, avant la rupture qui surviendra durant la Deuxième Guerre mondiale, puis la naissance du Manifeste du peuple algérien, les incidences politiques sur le mouvement nationaliste des massacres du 8 Mai 1945, avec l'émergence d'une nouvelle tendance favorable à la participation aux élections de l'Assemblée nationale en 1946, les déceptions de la population suite aux trucages qui ont marqué ces événements, et le changement radical qui commencera à prendre forme dans les rangs des militants de ce parti. «Toutes les mauvaises images qu'on a voulu donner de ce parti après l'indépendance se sont avérées fausses, car les recherches que j'ai menées ont montré que l'UDMA a été un grand parti nationaliste, dont les militants sont restés très proches des couches populaires et ont mené un véritable travail de sensibilisation dans les villages les plus éloignés, avec pour objectif de créer cette prise de conscience et cet enthousiasme qui a vraiment inquiété l'administration coloniale», notera la conférencière. L'auteure de l'ouvrage a reconnu qu'elle a rencontré des difficultés à trouver des archives concernant le parti, mais elle évoquera surtout les réticences des anciens militants à parler de l'histoire du parti, considérée comme peu glorieuse, et qu'ils n'osent pas raconter aux gens. «Pourtant tous les documents consultés prouvent que ce parti avait un vrai programme nationaliste avec pour principal objectif l'indépendance, en œuvrant à développer les idées politiques à travers une éducation par l'école pour préparer la future société à l'indépendance», précise Malika Rahal, qui ne manquera pas de révéler qu'en dépit des tiraillements que l'UDMA a connus au début des années 1950, il n'a cessé de mener une action en profondeur grâce aux cercles culturels, aux Scouts musulmans et même les clubs sportifs qui vont assurer la formation politique de la jeunesse avec l'idée de «s'emparer du collectif existant pour le transformer en collectif politique». «Avec l'avènement de la Révolution de Novembre 1954, de nombreux militants de l'UDMA ont rejoint le maquis bien avant la dissolution du parti en 1955, ce qui montre aussi que ce parti a apporté une grande expérience militante à la lutte armée à travers l'adhésion de ses membres au FLN et au ALN», conclut Malika Rahal, qui a brillamment disséqué son sujet dans une rencontre marquée par un riche débat avec des historiens et des intellectuels, qui ont fait le déplacement vers le centre Mhamed Yazid. On saluera à l'occasion la précieuse contribution de Hasni Kitouni, un grand passionné d'histoire, qui a œuvré à la tenue de cette conférence, parfaitement organisée par l'Oscult de la commune d'El Khroub, qui continue sur sa lancée en initiant des activités culturelles de grande qualité.