C'est la réponse négative de la commission des finances qui a provoqué le tollé à l'université Abderrahmane Mira. Le rejet par la commission des finances de l'APN de la proposition d'amendements, introduite pour la dotation budgétaire de l'enseignement de tamazight et un caractère obligatoire de son enseignement, a provoqué une onde de choc à Béjaïa. Un mouvement de protestation a gagné étudiants et lycéens. Hier, l'université Abderrahmane Mira était paralysée après la fermeture de ses deux campus, d'Aboudaou et de Targa Ouzemour, par les étudiants. Un appel a circulé pour une marche, qui devait avoir lieu hier vers la place Saïd Mekbel, avant que l'on ne décide de la reporter à lundi prochain. La fermeture de l'université a été accompagnée d'assemblées générales, qui ont eu lieu à l'intérieur même des deux campus, pour mobiliser les troupes contre ce qu'on a considéré comme «le vote des députés contre tamazight». Le mot d'ordre de la manifestation contre une «loi» a vite circulé, provoquant un effet boule de neige, notamment au sein des lycéens. «Il n'y a donc pas d'argent pour tamazight, mais pour la Grande Moquée si !» s'est offusqué un étudiant dans une assemblée générale. Dimanche dernier, un groupe de lycéens est sorti dans les rues à Sidi Aïch avec des banderoles dénonçant les atteintes contre tamazight. «Ma ulach tamazight ulach, ulach…» (s'il n'y a pas tamazight il n'y a ni..., ni…) lit-on sur l'une d'entre elles, reprenant un célèbre refrain revendicatif de Matoub Lounès. C'est par le même slogan, écrit sur une banderole, que les étudiants ont barré l'accès, hier, au campus d'Aboudaou. Aux pancartes et banderoles se sont ajoutés le drapeau amazigh et celui du MAK. La revendication identitaire est élargie au rejet de la loi de finances 2018 que vient d'adopter la majorité parlementaire à l'APN. C'est dans le cadre de cette loi de finances que les députés du PT ont introduit leur proposition d'amendement. Celle-ci, pour rappel, a consisté à introduire un nouvel article, le 104 bis, dans le projet de loi de finances pour exiger à l'Etat algérien de veiller à la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe dans tous les établissements scolaires, autant publics que privés, et avec un caractère progressivement obligatoire. C'est la réponse négative de la commission des finances, fortement relayée dans les réseaux sociaux, qui a provoqué le tollé. La commission a considéré que les autorités publiques ont consenti suffisamment d'efforts pour l'enseignement de tamazight, dont elle n'a pas mentionné le caractère officiel consacré par la Constitution. Elle a aussi mentionné dans sa réponse l'existence du Haut commissariat à l'amazighité comme institution créée pour la promotion et le développement de la langue amazighe. Non retenue, la proposition n'est pas passée au vote de la plénière comme amendement dans le projet de loi. Il est cependant utile de préciser que le rejet a été soumis à un vote à l'intérieur de la commission. Selon la députée PT, Nadia Chouitem, qui intervenait sur le plateau d'une télévision privée, les députés des partis du pouvoir (FLN, RND, MPA, ANR et TAJ) ont voté contre la proposition d'amendement, tandis que le PT et les partis islamistes ont voté pour, alors que ceux du FFS et du RCD ont préféré s'abstenir. Autant par le rejet que par les arguments «fallacieux» de la commission, cet épisode est vite assimilé à un «vote» regrettable. A Akbou, un appel est relayé pour une marche le 10 décembre «pour dire oui à la langue amazighe et protester contre le vote des députés contre la promotion de la langue amazighe». Avec le même esprit de dénonciation et d'indignation, des groupes de lycéens sont sortis, hier, dans plusieurs localités, comme à Boudjellil, Ighzer Amokrane, Aït Rzine, Chemini, Sedouk et Tazmalt. Sur certaines des banderoles brandies, on a vilipendé «les députés de la honte» accusés de vouloir «assassiner tamazight». «Entre un ‘‘amendement'' et une ‘‘loi'', il y a une grande différence. Il faut s'entendre sur les concepts pour bien analyser et éviter les débats sans finalité», considère Brahim Tazaghart, militant de la cause amazighe, qui invite à «faire preuve de pragmatisme pour faire avancer le combat pour tamazight». Le débat relancé, ainsi, autour de la question amazighe, offre l'occasion d'exiger, selon Brahim Tazaghart, aux partis siégeant à l'APN «de préparer la ‘‘loi portant généralisation de l'enseignement de la langue amazighe'' et de se regrouper pour la déposer sur le bureau de l'Assemblée».