Ils étaient des dizaines de milliers d'étudiants, de lycéens et de collégiens à répondre à l'appel du collectif des étudiants de l'université Abderrahmane Mira de Béjaïa pour scander : «Tamazight partout et pour tous, du préscolaire à l'université !» Les rues reliant le campus de Targa Ouzemmour à la place Saïd Mekbel ont vibré sous les pas des marcheurs qui revendiquent «une loi organique portant mise en œuvre de la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et officielle, tel que le stipule la Constitution de 2016 et l'obligation et la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe», comme écrit dans la déclaration du collectif estudiantin. Cette marche intervient après 11 jours d'une grève enclenchée à l'université en signe de protestation contre le rejet, par la commission juridique de l'APN d'une proposition d'amendement en faveur de tamazight dans le cadre du projet de la loi de finances 2018. Au-delà des vives réactions enregistrées ici et là, pour dénoncer «un canular» ou une «manipulation», cet amendement, a écrit Brahim Tazaghart dans une récente contribution à El Watan, «a pu replacer le débat autour de tamazight, permettant de mettre en évidence l'absence d'une politique gouvernementale, mais aussi l'exigence de la lutte pour y remédier». Dans une déclaration rendue publique, le collectif des étudiants a considéré que «le pouvoir, à travers le rejet dudit amendement, n'agit que pour le reniement de ses engagements (…). Ce semblant de réhabilitation, tel que stipulé dans les articles 3 et 4 de la Constitution, porte atteinte au vivre-ensemble des citoyens, n'est que pour la pérennité du système rentier liberticide responsable d'un délitement sans précédent des institutions de l'Etat, et engage toute une nation vers un avenir incertain». Les manifestants ont exprimé leur refus de cette loi de finances «antisociale» en brandissant une banderole sur laquelle on pouvait lire : «Non à la loi de finances, basta à la marginalisation de tamazight». Cette action de rue s'est caractérisée par une organisation irréprochable qui n'a laissé aucune place aux dérapages tant appréhendés. Ainsi, ceux qui craignaient l'embrasement ont été très vite rassurés par un encadrement responsable et conscient des enjeux et des dangers de la manipulation, tant le spectre de cette dernière était appréhendé par des observateurs. La procession a été organisée en plusieurs carrés où on peut distinguer divers courants politiques et différentes organisations de la société civile. Des dizaines de drapeaux du MAK, dont les militants ont scandé des slogans hostiles au pouvoir, ont flotté dans le ciel aux côtés du sigle du Parti socialiste des travailleurs (PST) et de celui de la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA) brandis par leurs militants respectifs qui ont rejoint le mouvement. En plus des militants du MAK, une autre partie des étudiants a réitéré son attachement à une Algérie unique et plurielle avec l'amazighité comme socle de la nation en écrivant sur une banderole : «Qui touche à mon amazighité, touche à mon algérianité». Pratiquement toute la société civile de Béjaïa a été représentée dans cette marche par ses acteurs, à l'image du Café littéraire Dihya Lwiz, des élus de l'UDS, du RCD, le collectif El Hachemi Cherif, le comité de soutien aux travailleurs de Béjaïa, des syndicalistes du Snapap et des universitaires.