Par Lina Kennouche (*) La répression féroce à l'encontre des manifestants palestiniens, protestant contre la reconnaissance unilatérale par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale officielle d'Israël, ne cesse de s'intensifier. En dépit du déchaînement de brutalité des forces de sécurité israéliennes qui continue à alourdir le bilan des victimes, les Palestiniens offrent un modèle efficace de mobilisation et de résistance populaires. Si ces manifestations venaient à se transformer en mouvement de masse, elles prouveraient l'importance cruciale du soulèvement populaire comme stratégie de lutte. Ces dernières années, face à la multiplication des faits accomplis, à l'extension de la colonisation à Jérusalem-Est et au renforcement d'un régime d'exception ciblant les Palestiniens dans la ville, la lutte pour la préservation de l'espace et de l'identité a revêtu la forme de soulèvement populaire. En juillet dernier, les Palestiniens ont fait une nouvelle démonstration éclatante de l'efficacité de cette forme d'insurrection obtenant, à l'issue de plusieurs semaines de mobilisation sans relâche en défense de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem, le retrait des dispositifs de sécurité installés par les forces d'occupation et qui visaient à mettre fin au statu quo dans la ville. Ces soulèvements spontanés ont à la fois illustré l'ampleur de la crise de l'Autorité palestinienne et de l'ensemble de la structure héritée d'Oslo, mais également les réticences des organisations politiques palestiniennes à se joindre à la stratégie de résistance populaire. Dans ce nouveau contexte marqué par le soutien américain à la politique israélienne de transformation unilatérale du statut de la ville, certaines forces politiques, à l'instar du FPLP et du FDLP, restent dans l'expectative, bien que leur base militante prenne aujourd'hui part au soulèvement. Or, pour devenir victorieuse, l'Intifadha a besoin du soutien actif de l'ensemble des organisations politiques palestiniennes dans un contexte régional favorable aux forces de la résistance. Avec le règlement militaire du conflit en Syrie et la transformation progressive de la donne en faveur de l'Iran et de ses alliés, la nouvelle configuration du rapport de force présente un véritable espoir tangible pour le soulèvement en Palestine. L'une des voix les plus influentes au sein de l'axe de la résistance, le secrétaire général du Hezbollah, a, au cours de son intervention télévisée le 8 décembre, lancé un appel haut et fort en faveur d'une nouvelle Intifadha, assurant les organisations politiques palestiniennes d'un soutien inconditionnel et les encourageant à faire le choix de la résistance populaire. Son discours est d'une importance stratégique majeure du point de vue des perspectives de l'Intifadha. Une stratégie d'unification des forces politiques, qui viendraient appuyer les capacités de mobilisation de la population civile palestinienne, favoriserait l'extension du mouvement et partant une issue favorable. Le Hamas a été la première organisation à appeler à l'Intifadha, «seul moyen de contrer la politique sioniste soutenue par l'Amérique et de sauver Jérusalem», selon Ismaïl Haniyeh, et semble plus que jamais disposé à peser de tout son poids en faveur de cette orientation. Le Fatah s'est également déclaré en faveur d'un renforcement de la lutte contre Israël. Quant à l'Autorité palestinienne, si sa ligne de conduite reste pour l'instant la coopération sécuritaire avec Israël, elle serait dans l'incapacité de défendre cette position en cas d'exacerbation de la révolte et d'intensification de la confrontation avec les forces de sécurité israéliennes. Le veto américain, lundi contre le projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies quant à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, pourrait contraindre l'Autorité à rompre avec son attitude conciliante. Bien qu'elle ait jusque-là refusé de suivre l'appel du Hamas à soutenir une insurrection populaire et s'est contentée d'une rhétorique de dénonciation de la décision de Washington, sa position est d'une fragilité sans précédent. Face à la négation de toutes les aspirations nationales palestiniennes, seule une radicalisation de l'insurrection populaire et son extension pourraient amener l'Autorité à récuser Oslo, rompre la coopération sécuritaire avec Israël et mettre fin à son rôle de sous-traitant de l'occupation. (*) Universitaire et journaliste au Liban