Près de 12 ans de blocus israélien et 11 ans de division interpalestinienne ont fini par mettre à genoux la bande de Ghaza et ses deux millions d'habitants qui vivent leur pire crise humanitaire depuis la mise en place de l'Autorité palestinienne. Aucun secteur n'échappe aujourd'hui à la crise. Depuis la semaine dernière, des appels de détresse sont lancés par des institutions humanitaires, dont OCHA, l'agence de coordination humanitaire des Nations unies, et par le ministère palestinien de la Santé, à cause de l'épuisement imminent du carburant réservé aux groupes électrogènes d'urgence dans les installations vitales. Ils prédisent que dans 10 jours, sauf une intervention urgente des donateurs, ces générateurs ne seront plus fonctionnels, ce qui fait craindre une véritable catastrophe humanitaire. Pour le personnel médical et les patients palestiniens, cette éventualité ne représenterait que la dernière étape de l'effondrement total du système de santé dans l'enclave palestinienne. A l'hôpital de pédiatrie El Nasr, à l'ouest de la ville de Ghaza, le docteur Raed Mehdi, directeur du service des soins intensifs, déclare que la vie de dizaines d'enfants hospitalisés est en danger. Dans l'hôpital pédiatrique Mohamed El Dorra, du nom de l'enfant tombé en martyr au début de l'Intifadha d'Al Aqsa, déclenchée en septembre 2000, situé dans le nord de la bande de Ghaza, des médecins soutiennent que plusieurs services ont déjà fermé leurs portes et que leurs malades ont été évacués vers d'autres centres hospitaliers. Cette crise de carburant menace tous les services vitaux de diagnostics et de traitements dans les hôpitaux palestiniens de la bande de Ghaza. Les radios à rayons x, les scanners, les résonances magnétiques, les services de soins intensifs, ceux de cardiologie, de dialyse pour les insuffisants rénaux et les blocs opératoires sont aujourd'hui sous la menace d'une… panne sèche. Et si le blocus israélo-égyptien et les trois guerres menées par Tel-Aviv contre la population ghazaouie ne suffisaient pas, les Etats-Unis ont décidé récemment de diminuer de façon considérable leur soutien financier à l'agence onusienne pour l'aide aux réfugiés palestiniens, UNRWA. Des réfugiés qui, comme tout le monde le sait, se trouvent majoritairement dans l'enclave palestinienne et vivent déjà dans des conditions de précarité et de pauvreté extrêmes. Plus de cinq millions de réfugiés palestiniens vivant en Palestine occupée, en Syrie, en Jordanie et au Liban reçoivent des aides humanitaires de l'UNRWA, dont de la nourriture, des soins médicaux et un système d'éducation avec plus de 700 écoles primaires et moyennes. Tout ces éléments contribuent à faire de Ghaza une prison à ciel ouvert. En plus de la crise de carburant, les personnels des hôpitaux font face à d'innombrables autres problèmes depuis des années, en raison du manque de moyens et de médicaments. A cause de la fermeture quasi permanente du terminal de Rafah entre la bande de Ghaza et l'Egypte, et du refus d'Israël de prendre en charge la majorité de ceux ayant besoin de soins spéciaux, un nombre important de malades meurt en silence. Selon le droit international, c'est à Israël, la force occupante, qu'incombe l'obligation d'assurer les conditions minimum d'une vie décente à Ghaza. Malgré cet état des lieux catastrophique, le ministre israélien de la Guerre, Avigdor Lieberman, prétend qu'«il n'y a pas de crise humanitaire à Ghaza». C'est un acte confirmé de «non-assistance à personnes en danger». La situation est tellement grave que l'ONU estime que la bande de Ghaza sera invivable d'ici à 2020. Jusqu'à quand la communauté internationale continuera d'observer en silence la mort de deux millions de personnes, comme s'il ne s'agissait pas d'êtres humains ? Avec une économie totalement paralysée, des taux de chômage et de pauvreté jamais atteints auparavant, des citoyens qui meurent faute de soins et une grave pénurie d'eau potable, Ghaza est devenue un enfer sur terre. Les divisions palestiniennes ont également leur part de responsabilité dans la situation dramatique dans laquelle se retrouve aujourd'hui la bande de Ghaza. Malgré les récents accords entre les mouvements Fatah et Hamas, surtout celui signé au Caire en octobre dernier, qui a fait naître de gros espoirs dans la rue palestinienne, les choses n'ont pas changé sur le terrain. Le gouvernement palestinien de Rami Al Hamdallah et le mouvement Fatah accusent le Hamas d'empêcher ce gouvernement de prendre les pleins pouvoirs, comme c'est le cas en Cisjordanie occupée, où il contrôle toutes les institutions de l'Etat. Une prise de pouvoir réelle du gouvernement d'entente nationale peut permettre l'amélioration de beaucoup de secteurs, dont celui de l'électricité, de la santé et de l'ouverture plus fréquente du terminal de Rafah.