Tout le monde sait que l'embargo inhumain imposé par l'Etat hébreu à la bande de Ghaza dure depuis des années, avec des périodes de souplesse, qui, généralement, ne durent que peu de temps. Ghaza : De notre correspondant Cet embargo, un véritable moyen de chantage politique, utilisé aussi à maintes reprises contre l'Autorité palestinienne sans faire sourciller la communauté internationale, est devenu très contraignant et a été renforcé encore plus depuis qu'Israël a décrété la bande de Ghaza « entité hostile » après la prise de contrôle, par la force, par le mouvement islamiste Hamas, au mois de juin 2007. Aujourd'hui, 6 jours après la décision du ministre israélien de la Guerre, Ehoud Barak, de fermer totalement tous les points de passage entre la bande de Ghaza et Israël, ainsi que la poursuite de la fermeture du terminal de Rafah reliant le territoire palestinien à l'Egypte, on peut dire que la crise humanitaire a réellement commencé à s'installer dans ce minuscule territoire, souffrant déjà de maux divers tels que la pauvreté, le chômage, l'insécurité, la malnutrition, la prise en charge médicale inadéquate pour certaines maladies graves etc. Dépendant totalement de l'Etat hébreu pour son approvisionnement en produits de première nécessité, tels que la farine, le riz, les produits laitiers, les médicaments ainsi que de produits stratégiques comme le carburant et le gaz domestique, la vie est complètement paralysée dans l'enclave palestinienne où certains organismes humanitaires internationaux commencent à éprouver de réelles craintes pour la population. Après un arrêt total de l'approvisionnement en carburant de ce territoire palestinien, la seule centrale électrique a arrêté de fonctionner. Pour la première fois, la ville de Ghaza, privée d'électricité, a sombré dans l'obscurité la plus totale. Cette coupure totale d'électricité, sans précédent dans sa durée, trois jours de suite pour certains endroits, a failli se transformer en un véritable désastre, surtout pour les hôpitaux qui ont tiré la sonnette d'alarme, malgré la décision israélienne de reprendre l'approvisionnement partiel en carburant nécessaire au fonctionnement de la centrale électrique. Suite aux pressions internationales, la centrale a reçu, mardi, une quantité « suffisante » pour une durée de fonctionnement de 48 heures seulement. Celle-ci, qui avait cessé de fonctionner dimanche faute de carburant, a redémarré mardi vers la mi-journée, la distribution du courant aux différents quartiers de la ville de Ghaza mais en alternance, car elle ne tourne pas à plein régime. Des quantités de gaz domestique jugées insuffisantes par la Fédération des propriétaires de stations palestiniennes ont été acheminées par le point de passage de Nahal Oz entre Israël et la bande de Ghaza. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a jugé l'allégement du blocus « insuffisant ». « Nous allons poursuivre nos efforts pour obtenir la levée totale du blocus », a-t-il déclaré à la presse à Ramallah, en Cisjordanie occupée. « La catastrophe n'est pas totalement évitée. Des centaines de malades, dépendant d'appareillages fonctionnant à l'électricité, risquent une mort certaine dans les premières heures, si les générateurs électriques cessent de tourner à cause du manque de carburant. » Les malades les plus vulnérables sont ceux hospitalisés dans les services de réanimation et les soins intensifs, dont certains sont des blessés de la dernière agression israélienne qui avait fait 38 morts. Les insuffisants rénaux, les cardiopathes et les insuffisants respiratoires sont des malades qui ne peuvent se passer de courant électrique. L'autre danger imminent, qui menace à plus grande échelle les malades palestiniens, est la pénurie de certains médicaments, notamment pour certaines maladies chroniques, tels le diabète, l'hypertension artérielle et autre. « Le monde doit faire cesser ces punitions collectives dont les victimes sont des populations civiles. C'est la crédibilité de la communauté internationale qui est en jeu », nous a déclaré Dr Mouaâouia Abou Hassanine, directeur général des services des urgences. D'un autre côté, les prémices d'une crise écologique, mettant en danger la santé de la population ont fait leur apparition avec l'inondation de certaines rues de Ghaza par les eaux usées suite à l'arrêt des stations de pompage. Le manque de courant électrique a entraîné aussi de graves perturbations dans la distribution de l'eau courante aux foyers. Sur un autre plan, pendant au moins 72 heures, le pain a gravement manqué dans la bande de Ghaza suite à la fermeture de l'ensemble des boulangeries. Par ailleurs, des centaines de Palestiniens, en majorité des femmes militantes au sein du Hamas, ont essayé mardi de forcer le terminal de Rafah, point de passage avec l'Egypte, provoquant des échauffourées avec les forces de l'ordre égyptiennes, qui ont fait usage de jets d'eau et de matraques pour les disperser. Les heurts ont fait 5 blessés par balle, dont un agent de sécurité égyptien. Hier, juste avant l'aube, des hommes armés ont fait sauter à plusieurs endroits le mur érigé sur la ligne de frontière égypto-palestinienne, ce qui a permis à des dizaines de milliers de citoyens palestiniens de pénétrer dans la ville frontalière de Rafah EL Masriya et même plus loin, dans la ville égyptienne d'El Aârish, principale ville du nord du sinaï, distante de 40 km. Des centaines de citoyens sont déjà revenus à Ghaza en ramenant surtout des denrées alimentaires (lait en poudre, produit laitiers), des médicaments, du carburant et des cigarettes. Certains ont ramené des carrioles pleines de ciment, un produit introuvable dans la bande de Ghaza depuis plus de six mois. D'autres personnes, des étudiants, qui ont été empêchés de regagner leurs universités à l'étranger, sont sortis. A noter que les forces de l'ordre égyptiennes ont laissé faire les citoyens sans essayer de les empêcher de franchir la frontière, le contraire de ce qui s'est passé mardi. Des centaines de citoyens palestiniens, retenus du côté égyptien depuis de longs mois à cause de la fermeture du terminal de Rafah, ont pu, eux aussi, regagner leurs foyers dans la bande de Ghaza. Les routes qui mènent vers Rafah étaient, hier matin, bloquées à cause de la densité de la circulation automobile. « C'est à croire que toute la population s'apprête à profiter de cette occasion pour sortir de cette grande prison à ciel ouvert due à cet l'embargo », nous a lancé un citoyen de 40 ans qui s'apprêtait avec d'autres à prendre la route vers Rafah. De son côté, le coordinateur humanitaire de l'ONU dans les territoires palestiniens Maxwell Gaylard, a affirmé que les Palestiniens, traversaient une « crise généralisée de pauvreté qui s'accroît, une augmentation du chômage, une détérioration des conditions de vie et des atteintes à grande échelle contre (leur) dignité ». Malheureusement, de telles voix restent généralement sans échos, ce qui fait craindre que les souffrances palestiniennes sont loin d'être finies.