Des jeunes femmes militantes ont appelé, au nom d'un collectif naissant, à un rassemblement qui s'est tenu jeudi en fin de journée sur la place de la Liberté d'expression Saïd Mekbel. Entre la demi-journée chômée et payée pour les femmes salariées, les galas roses et la cérémonie solennelle et réjouissante de l'UNFA, un groupe de femmes rebelles s'est refusé au folklore et au suivisme en célébrant le 8 Mars dans la lutte à Béjaïa. Des jeunes femmes militantes ont appelé, au nom d'un collectif naissant, à un rassemblement qui s'est tenu jeudi en fin de journée sur la place de la Liberté d'expression Saïd Mekbel. Beaucoup d'hommes au rendez-vous. Dans les regards du peu de femmes qui ont répondu à l'appel, il y avait un peu d'engagement et beaucoup de dépit. Dans ceux des hommes, se dégagent de la compréhension et un soupçon de solidarité. «Nous n'allons pas nous taire», se résout-on sur une pancarte accrochée sur la place. «Il est temps de nous lever pour nos droits», exhorte le collectif dans sa déclaration. L'appel pour rejoindre ce collectif (beaucoup de collectifs mort-nés à Béjaïa) et extirper la cause féministe de son engourdissement est suivi du rappel de «l'immense travail qu'ont fait les Zetkin, Simone, Kolontai et toutes les féministes qui se sont battues jusqu'à la mort pour un monde meilleur sans oppressions ni inégalités, comme l'ont fait nos chères camarades Nabila Djahnine et Katia Bengana, qui nous ont quittés à la veille d'un 8 mars». Le projet, dont la démobilisation ambiante empêche l'aboutissement, est de donner naissance à une association de femmes militantes, le poing fermé. «Où sont les poignets des femmes ?» interroge, révoltée, une jeune militante du collectif, Rosa, qui se désole de l'ambiance festive qui noie cette Journée mondiale de la femme et qui devrait être plutôt «un 8 Mars d'honneur et de dignité». «Pardon à nos aînées !» demande-t-elle, alertant que «les acquis sont en péril». Le péril trouve en l'obscurantisme islamiste une source diffuse dont on a averti sur les dégâts ravageurs de son avancée sur la société, et sur la femme en particulier, forcée à la soumission du sacré. «La montée intégriste menace nos acquis» alerte Wissam, une inlassable militante féministe et socialiste. Le rêve de Rosa, comme toutes ses semblables, c'est «de pouvoir sortir dans la rue sans être harcelée» par ces cohortes de jeunes hommes au verbe agressif et importun. Ce jeudi, jour d'une marée humaine féminine, les jeunes hommes se sont également bichonnés pour être, eux aussi, au rendez-vous et faire du 8 mars également la «journée de l'homme». «Je vous prie messieurs de ne pas mettre dans la tête de vos enfants le principe d'opposition entre garçon et fille», exhorte une autre jeune militante du collectif s'adressant aux hommes présents au rassemblement, dont certains restent convaincus que le salut de la femme ne pourra venir que de la femme elle-même. «C'est aussi l'affaire des hommes», lance une intervenante qui pointe du doigt le patriarcat «qui fait des ravages» en tant que système social à combattre, comme le code de la famille. «Reconnaissons-nous les femmes/Parlons-nous, regardons-nous/Ensemble, on nous opprime, les femmes/Ensemble, révoltons-nous», dit une chanson féministe que le groupe de femmes a repris en chœur comme un hymne. «Tous les jours sont des jours de lutte pour l'égalité des droits», conclut une militante, en cette fin de journée de jeudi, sur la place Saïd Mekbel devant laquelle passent des groupes de femmes qui rentrent chez elles, dans les mains des fleurs qui commencent déjà à se flétrir.