Les chutes de pluie ont toujours dévoilé les arnaques dans la wilaya de Tipaza, lorsqu'il s'agit des programmes inscrits dans le cadre du développement local. Mais limitons-nous aux deux secteurs stratégiques qui mobilisent plusieurs dizaines de milliards de dinars, en l'occurrence ceux des travaux publics et de l'hydraulique. Des tronçons de routes nationales entièrement inondés par des torrents de boue et des mètres cubes d'eau. Aussi d'inexplicables glissements de terrain s'invitent à leur tour dans le décor ; perturbant ainsi la circulation des personnes et des véhicules. Les cuvettes pour faire drainer « les oueds » sont inexistantes ; les fossés d'autrefois ont disparu ; des anciens petits ouvrages, ayant servi par le passé d'issues des flux des eaux de pluie, sont pleins et bouchés par des mètres cubes de terre, occasionnant ainsi des embouteillages à des centaines de véhicules au niveau du réseau routier, si ce n'est tout simplement la coupure des routes. Pourquoi, ces dernières années, le bitume a perdu de sa résistance ? Pourquoi les axes routiers se sont transformés en réceptacles d'eaux diverses et de boue ? Les travailleurs de la direction des travaux publics, enveloppés de leur capuchon jaune, à l'aide d'outils manuels dérisoires, tentent de dégager les eaux stagnantes afin de désengorger les espaces. La stabilisation des sols ne fait plus partie des soucis des opérateurs chargés des travaux dans les réseaux des chemins de wilaya. On ne daigne plus laisser les servitudes entre les corps des chaussées et, les montagnes en lisière de routes. Non-respect des normes L'absence de contrôles et d'expertise a facilité le développement de ces malfaçons pourtant coûteuses pour l'Etat. Les hautes autorités de l'Etat avaient alloué des centaines de millions de dinars depuis 2003 jusqu'à 2006, pour protéger certaines localités de la wilaya de Tipaza contre les inondations, notamment Sidi Ghilès, Tipaza, Cherchell, Messelmoune, Bou Ismaïl, Sidi Amar et Ahmeur El Aïn. Certains travaux sont achevés, d'autres sont en cours, tandis que le reste est lancé ou en cours de lancement. Les dernières fortes précipitations avaient mis à nu le non-respect des normes, car comment expliquer que les eaux aient pu entraîner des tonnes de boue vers les rues, quartiers et routes de certaines localités, après avoir fait l'objet de projets à coûts de dizaines de milliards de centimes, comme ce fut le cas de la commune de Sidi Ghilès, pour régler le problème des inondations. Des enveloppes faramineuses ont été allouées par l'Etat pour la réalisation des caniveaux en béton et celle des réseaux de conduites d'AEP et d'assainissement. Fraîchement installé, le chef de l'exécutif de la wilaya de Tipaza avait fait des remarques sur le diamètres inadéquats des buses mises en terre, pour la protection de la ville de Tipaza contre les inondations, compte tenu des dégâts occasionnés à Bab El Oued. Il suffit de vérifier les canalisations mises sous terre pour se rendre compte de l'arnaque. Qui décide du choix de l'entreprise ? Qui se charge de contrôler les travaux de l'entreprise ? Qui notifie la classification des entreprises ? Qui accorde l'avis favorable sur les factures et les avenants de l'entreprise ? Qui supervise la bonne qualité et assure la durabilité des travaux réalisés ? Enfin, qui garantit que les projets ont été réalisés tout en préservant l'intérêt de la collectivité locale et les citoyens ? Durant des années, la direction de l'hydraulique de la wilaya de Tipaza (DHWT) avait bénéficié d'une incroyable impunité et avait géré à sa guise les deniers publics affectés pour la réalisation de grands projets. La complicité entre cette direction de l'hydraulique et le cercle restreint d'entrepreneurs du secteur de l'hydraulique était manifeste. La gestion des marchés du secteur de l'hydraulique dans la wilaya de Tipaza était opaque. Le choix de l'entrepreneur et le contrôle technique des travaux méritent plus d'égards. Les encaissements des factures des travaux s'effectuaient sans difficulté. Les fortes précipitations enregistrées ces derniers jours de décembre 2006, provoquant l'envasement et la détérioration des conduites d'eau pour l'AEP, l'assainissement, et par conséquent les routes, sans évoquer celle de l'irrigation, ne sont nullement le fait du hasard. La bonne volonté des éléments de la Protection civile et celle de l'Office national de l'assainissement, y compris celle des ouvriers du secteur, ne suffisent plus pour épargner les communes des catastrophes et du dépit des citoyens. Il aura fallu la défaillance d'un maillon de la chaîne, en l'occurrence l'entrepreneur attitré de la DHWT depuis l'année 2002 il a été emprisonné suite à des investigations menées par les éléments de la brigade économique et financière du groupement de la Gendarmerie nationale de Tipaza en début d'année 2006 pour que le château de cartes s'écroule. Désolation et regret Bien entendu, son arrestation avait bouleversé la donne ; alors que ce jeune opérateur entreprenait tout ce qu'il voulait auprès des directeurs de l'hydraulique et des impôts de cette wilaya. Subitement, le directeur de l'hydraulique de cette wilaya, qui avait bénéficié d'une mutation salutaire à Blida d'une manière hâtive, signe et adresse avec « désolation et regret » une lettre référenciée n°1384/06 en date du 8 avril 2006 à « son entrepreneur », pour l'informer sur la rupture de quatre importants marchés qu'il venait de signer avec lui, implantés dans les communes de Bou Ismaïl, Koléa, Cherchell et Gouraya. Inutile de s'étaler sur les montants initiaux de ces marchés, car comme à l'accoutumée dans tous les précédents projets, les avenants suivaient. Ce jeune entrepreneur est impliqué dans l'affaire de malversations au sein de la poste de Tipaza. Il a été condamné par le tribunal de Tipaza à 5 années de prison ferme, une amende d'un million de dinars et le remboursement de 17,5 milliards de centimes (voir El Watan du 27 décembre 2006). Un autre fait marquant est alors apparu pour ce jeune entrepreneur qui brassait plusieurs dizaines de milliards de centimes avant son arrestation, c'est la mutation du directeur des impôts de Tipaza vers la wilaya de Blida. « Cet impondérable » aura permis de découvrir que le jeune entrepreneur milliardaire est en fin de compte endetté auprès de l'administration fiscale de la wilaya de Tipaza, depuis des exercices. Il n'était pas à jour avec les inspections des impôts de Tipaza pour l'IRG, et celle de Kemisti pour la TVA et la TAP. Mais comment se fait-il qu'un « opérateur choyé par deux directions de wilaya » bénéficiait de toutes les facilités pour accaparer des marchés à plusieurs milliards, alors qu'il n'était pas en règle avec l'Etat ? La DHW de Tipaza faisait passer des marchés sans aucune inquiétude, alors que l'autre entrepreneur du même secteur, qui est en fuite, a embauché des cadres de cette même DHW dans son entreprise. Les dettes fiscales dépassent le montant de 16 milliards de centimes pour l'entrepreneur emprisonné. Au « royaume » de Tipaza, toutes les manœuvres sont permises pour devenir milliardaire en un laps de temps si court, au détriment de l'intérêt du développement de cette wilaya. Trois facteurs inattendus sont à l'origine de la décadence et de la ruine de ces « opérateurs milliardaires éphémères ». Il s'agit de la mutation des deux directeurs de wilayas, l'arrestation d'un entrepreneur alors qu'un autre est en fuite, et enfin les fortes précipitations de pluie ont sabordé partiellement le ravalement entrepris sur les façades d'un environnement qui laissait à désirer, en attendant la grande lessive pour la désinfection des lieux, dans le but de réhabiliter ce territoire infesté d'intrigues. Mais à qui profite ce fiasco et cette dépense inutile de milliards de centimes appartenant à l'Etat ?