C'est un véritable miracle pour plus d'une quarantaine de femmes qui se trouvaient, mercredi dernier, à l'intérieur du bain Bouamrane en plein cœur du quartier historique du Derb. C'est à 13h20 qu'un bruit sourd, accompagné d'une secousse, surprendra les familles qui prenaient sereinement leur bain. Fort heureusement, le mur mitoyen, qui venait de s'écrouler avec fracas, faisait partie de la grande salle de repos. A cette heure de la journée, la plupart des clientes étaient dans la chambre chaude, les autres avaient rejoint leur domicile. Car c'est un mur porteur qui s'est effondré sur toute sa longueur, mettant à nu la salle de repos. Les causes de cet effondrement étaient prévisibles, car un voisin avait entamé, avec apparemment la caution et l'accord de l'APC et de l'urbanisme, des travaux de creusement de fondations à la place d'une vieille carcasse. Non satisfait de l'assiette foncière qu'il venait d'acheter, ce néo-propriétaire entreprendra la construction d'un sous-sol qu'il destinait probablement au stock des produits. Aidé en cela par le permis de construire qui l'autorisait à bâtir sur 3 niveaux. Mais au lieu de veiller au respect des constructions anciennes qui sont enchevêtrées et où les charpentes et la structure sont toutes faites en bois et en mortier, il entamera de véritables fondations destinées à recevoir un chaînage en béton, digne d'un immeuble. L'intrusion de ces fondations allaient inévitablement se traduire par la déstabilisation de l'ensemble des constructions alentours. Malgré les avertissements répétés de son voisin, sur les risques encourus, les travaux seront maintenus et renforcés. Une récente expertise avait mis en garde le responsable alors que les creusements étaient à seulement 1,60 m ; elle n'aura aucune suite. Le jour de la catastrophe, les fondations avaient atteint plus de 4 m de profondeur. C'est d'ailleurs en creusant sous le mur de soutènement du bain que ce dernier s'effondra. Accourus sur les lieux du sinistre, le premier responsable de la Protection civile ordonnera la fermeture immédiate du hammam et le renforcement de la structure par des piliers métalliques. Accoudé à une superbe villa mauresque d'une splendeur insoupçonnée, le hammam — qui avait échappé à la furie d'un ancien wali qui avait entamé la démolition du Derb en 1985 — ne pourra rouvrir que si un mur de soutènement est construit en contrebas. A défaut, ce joyau du patrimoine national sera à la merci de la moindre averse. En effet, les travaux ayant mis à jour un sous-sol très friable, il devient urgent de procéder immédiatement au renforcement de toute la plate-forme par une dalle de béton. Car ce sont les trois maisons alentours qui sont menacées d'un effondrement certain. En attendant que la procédure judiciaire aboutisse, il est du devoir des pouvoirs publics de protéger les biens et les personnes en confortant au plus vite le terrain. A défaut, il ne faudra pas s'étonner si un drame humain venait à endeuiller d'autres familles et amputer le patrimoine universel d'un joyaux datant de 1850. En effet, la maison attenante au bain, et qui lui sert de salle d'accueil et de repos, appartenait à une richissime famille de l'époque.