Les violentes intempéries qui ont affecté le pays ces dernières quarante-huit heures ont pris au dépourvu autant les pouvoirs publics que les citoyens, peu préparés à faire face à un phénomène pourtant prévisible. Nul n'ignorait, en effet, après les avis de la météo, l'imminence de pluies et de vents forts sur une grande partie du territoire national. Il y avait donc une nécessaire stratégie de prévention à mettre en œuvre pour enrayer les risques réels de catastrophe. Les abondantes pluies de cette fin de semaine se sont malheureusement soldées par de notables dégâts et des victimes humaines. Une situation déplorable rendue possible par la conjonction des facteurs de négligence et de déficit en structures capables de gérer de tels états de crise qui ont des répercussions matérielles et psychologiques. Dans certains quartiers de la capitale, de nombreuses artères ont vite été inondées, replongeant les riverains dans une véritable psychose, car la tragédie de Bab El Oued, en 2001, reste encore ancrée dans les mémoires. Est-il encore possible que le drame intervienne pour envisager, dans l'urgence, les mesures nécessaires et suffisantes ? Si les rues de nos villes, la capitale n'y échappant pas, se trouvent noyées aux premières eaux, c'est d'abord parce que les réseaux d'évacuation ont été rendus inopérants. C'est un signal fort pour les collectivités locales et les administrés qui ont à travailler ensemble pour identifier les problèmes et y faire face. Lorsque les uns et les autres se tournent le dos, il est facile d'en imaginer les conséquences : elles sont souvent effroyables. Pourquoi attendre qu'une vieille bâtisse s'effondre sous l'action de la pluie – avec le danger de mort que cela comporte – pour lancer des appels de détresse ? Est-ce une action titanesque que de signaler aux services de la voirie des canaux d'évacuation obstrués ? Il est indéfendable que, face à des risques majeurs, la communication ne s'établisse pas entre citoyens et collectivités locales. Après, quand il est vraiment trop tard, il ne reste que le temps de l'amertume et des récriminations. De telles dépressions climatiques mettent alors à nu des carences dans la prise en charge du cadre bâti et de son versant humain. De nombreuses villes algériennes ploient sous l'impact de la surpopulation et de l'inadéquation d'un parc immobilier obsolète. Les chutes de pluies révèlent combien ce parc est pour une large part fragile et cela engage la puissance publique à procéder à un inventaire au cas par cas pour reloger les habitants de bâtisses qui menacent ruine dans des sites fiables et sécurisés. La leçon des terribles journées de 2001 doit à cet égard être retenue et nourrir une réflexion et une action solidaires en direction de pans de la population qui restent trop démunis pour accéder à des logements neufs et c'est ce qui explique leur présence dans des habitations précaires. Lorsque le vent souffle à 80 ou 100 km/h et que des pluies diluviennes s'abattent sur les villes, il ne faut pas attendre de l'Etat qu'il les arrête, sauf à vouloir sombrer dans l'irrationnel et lui prêter un pouvoir magique. En revanche, il dispose des prérogatives les plus étendues pour faire bénéficier les familles les plus exposées d'un toit. Et là, cela n'a rien à voir avec les turbulences des bonnes ou des mauvaises saisons, mais avec la dignité humaine.