Malgré les multiples problèmes dans lesquels se débat la chanson kabyle, des chanteurs continuent à créer. Ils ont su féliciter leur public. Un public exigeant envers eux. Parmi ces chanteurs, Farid Ferragui. Le 18 du mois en cours sortira son nouvel album en Algérie et en France, le 19e de sa carrière entamée en 1981. L'album comprend six chansons pour une durée de 58 minutes. Le chanteur en question prépare une tournée en Algérie. Ainsi, il est attendu les 28 et 29 mars à Tizi Ouzou, les 4 et 5 avril à Béjaïa, les 11 et 12 du même mois à Bouira. Le 19 avril, il se produira à Bordj Bou Arréridj. Pour Sétif, Oran et Alger, il reste à régler les formalités administratives. Brève rencontre avec Farid Ferragui, occasion pour le titiller avec quelques questions sur la chanson kabyle. On ne peut vous évoquer sans vous associer au luth. Que représente pour vous cet instrument de votre prédilection ? Le luth est un instrument qui n'est pas agressif. Il est en harmonie avec ma voix. Comme il dégage de la monotonie. Aujourd'hui, la chanson kabyle est envahie par les phénomènes de reprises et du non-stop. Ne pensez-vous pas que ces phénomènes ne font que contribuer à sa régression ? Reprendre une chanson d'un ancien artiste pour lui rendre hommage n'entrave pas la création. Comme nous avons besoin de tous les gens, à l'exemple du genre chansons fêtes. Mais les excès sont mauvais, le recours aux reprises et non-stop pour faire carrière est stérilisant. Cela empêche d'évoluer et freine la création. Or, la chanson a besoin de création. Quelles sont les caractéristiques de la chanson kabyle ? Chanter en kabyle, se limite-t-il à interpréter des textes dans cette langue ? La question qui doit être posée aujourd'hui est qu'est-ce qu'on veut ? On entend dire qu'avec le phénomène de la mondialisation, il faut que la chanson kabyle sorte au-delà des frontières du pays. Or, il faut énormément de moyens pour réaliser ce rêve. En plus, on manque de création. Des chanteurs pensent qu'ils doivent œuvrer pour être écoutés ailleurs. Néanmoins, il faut s'imposer avec ses chansons. Personnellement, je ne vais pas chanter comme un Américain pour qu'un Américain m'écoute. Je n'ai pas cette idée d'envahir l'Amérique. Je n'en souffre pas. Il y a certes une question de survie qui se pose pour notre chanson. Alors, contentons-nous d'être écouté dans notre pays. C'est profitable de s'ouvrir vers l'extérieur, mais il faut rester soi-même. Le phénomène de la mondialisation pose la question de survie. N'est-ce pas aussi un danger pour une culture qui n'évolue pas ? A mon sens, nous ne devons pas imiter les autres. La mondialisation, c'est être l'autre, une nouvelle forme de colonisation des peuples. C'est une idéologie. Chacun de nous doit prendre conscience du danger qui menace notre culture. Nous devons créer tout en restant dans nos traditions. Evoluer tout en conservant notre âme. Quelle est la différence entre le public des années 1980 et celui d'aujourd'hui ? J'ai mon public. Il m'est resté fidèle. J'ai ma voix et mes mélodies. Elles sont appréciées par le public qui est mon ami. Si le message de l'artiste est fort, le public suit avec intérêt ce que fait ce dernier. Est-ce que c'est l'artiste qui doit se plier au goût du public ou revient-il à ce dernier de faire l'effort pour apprécier ce qu'il chante ? Dans le monde entier, le public est exposé aux influences des genres de musique. Cela dit, tout revient à l'artiste quant à susciter l'intérêt du public. Il doit croire en ce qu'il fait et connaître sa culture.