De son vrai nom Aïssa Merzougui Benrabah, ce chanteur est né en 1886, à M'toussa, au nord-est de Aïn Beïda et au sud de Khenchela. Son nom d'artiste, Aïssa Djermouni El Harakti, se réfère notamment à la tribu des Harrakta. Enfant, vivant dans des conditions précaires, il fréquenta la medersa du village où il apprit le Coran et la grammaire arabe. Le décès de son père, paysan à la voix remarquable, plongera sa famille dans le dénuement et l'enfant dans la recherche d'un réconfort moral. Il quitte la medersa et commence à exprimer sa douleur en reprenant les anciennes complaintes chaouies. De là, naît sa vocation artistique et, en quelques années, il s'impose comme une voix d'or de son terroir. Une voix légendaire connue autant par la qualité de son timbre que par sa puissance phénoménale. Son répertoire s'inscrit dans le patrimoine oral amazigh avec ses thématiques liées à la condition paysanne, à l'amour, à la gloire et à la foi. Reconnu, il ne tarde pas à entrer en contact avec des poètes qui écrivent pour lui. Parmi eux, El Hadj Bouaârissa et Hadj Djebbar qui lui confieront des textes dénonciateurs de la misère et de l'oppression coloniale. C'est dans l'entre-deux-guerres que Aïssa Djermouni connaît une ascension remarquable. Il enregistre en 1929 aux studios Ouardaphone un microsillon aux titres cultes Ahway et Khelini Nhoum que seuls quelques rares collectionneurs possèdent. Dans la mouvance de l'émigration en France, il commence à se produire dans ce pays. En 1930, il enregistre à Paris aux éditions Haroun José plus de 35 titres en 78 tours. Son répertoire comprend alors plus de 120 chansons. En 1937, il donne un concert historique dans la mythique salle de l'Olympia à Paris. Il aurait été ainsi le premier chanteur du monde arabe et peut-être du monde musulman à s'y produire. A 51 ans, il est au sommet de sa gloire. Mais l'histoire du peuple algérien le rattrape à l'âge de 60 ans. Il est victime de la terrible épidémie de typhus. Hospitalisé à Alger puis transféré à l'hôpital de Constantine, il rend l'âme en 1946. Il est enterré à Sidi R'ghiss (Aïn Beïda) dans la wilaya d'Oum El Bouaghi dont le chef-lieu accueille depuis quelques années un festival en sa mémoire. Il laisse de magnifiques enregistrements de chansons en chaoui et en arabe dialectal qui témoignent encore de sa contribution distinguée à la chanson populaire algérienne.