Même s'il est encore prématuré pour mesurer un éventuel impact des attentats d'Alger de mercredi dernier sur le plan économique, il est d'ores et déjà prévisible qu'une forme d'hésitation imprégnera le rythme des investissements, particulièrement ceux d'origine étrangère. Abdelmalek Seraï, expert international à la tête d'un bureau de consulting, estime qu'« il n'y a pas de doutes là-dessus ». Conséquence immédiate, M. Seraï s'attend à un glissement dans le calendrier des investisseurs prospectant le marché national. Partant de ses relations avec des opérateurs étrangers, européens notamment, cet expert nous informe que « des voyages programmés pour cette semaine ont été repoussés par plusieurs opérateurs et j'ai des informations sur certaines sociétés étrangères à Alger qui ont rappelé leurs représentants ». Dans son analyse, M. Seraï juge cette réaction « normale », avant d'ajouter que « c'est un comportement qui risque de se prolonger pendant quelques mois, dès lors que les potentiels investisseurs se donneront une plus longue période d'observation ». « Pour évaluer avec exactitude l'impact de ces attentats sur la croissance économique du pays, il faut attendre la fin de ce premier semestre et espérer que ces événements ne se reproduiront pas », espère cet expert. Appelé à être plus précis sur cette question, Abdelmalek Seraï n'a pas exclu des défections de dernière minute à l'occasion de la prochaine Foire internationale d'Alger, plus grande vitrine économique du pays. Pour cet expert, « il faut souhaiter une saison estivale calme avant que les opérateurs ne reviennent à la rentrée sociale avec une meilleure lisibilité de la situation ». M. Seraï attire également l'attention sur le rôle du gouvernement dans cette période cruciale. « De l'évolution des événements et de la gestion de la crise par les pouvoirs publics, notamment sur le plan de la communication, dépendra l'ampleur des effets », avertit cet expert. Ceci étant, les conséquences ne seraient pas si « graves » à partir du moment où l'Algérie n'est plus « seule et isolée » à faire face à ce type d'attaques. « Les attentats d'Alger viennent après ceux de Madrid, Casablanca... le monde a pris conscience de la dimension de la menace et l'a intégrée dans l'analyse », estime-t-il. Même les organismes de notation des risques ne devraient pas trop chambouler leur classification, prévoit-il. Ainsi, la prévision des effets des dernières attaques sur l'économie algérienne est à faire dans un cadre plus global, incluant l'ensemble des pays de la région. S'agissant des économies de la région du Maghreb, les effets seraient plus ressentis dans les cas du Maroc et de la Tunisie, d'autant plus que ces deux économies dépendent, en grande partie, des recettes du tourisme et des investisseurs étrangers. Pour prendre l'exemple du Maroc, quoique la balance commerciale demeure déficitaire, il est important de savoir que la croissance des exportations de 18% en 2006 (statistique officielle) est étroitement liée aux délocalisations des sociétés européennes. Sur le plan macroéconomique, l'Algérie tirant plus de 97% de ses revenus des hydrocarbures, dont les sites sont hautement sécurisés, semble ainsi moins vulnérable. A plus long terme, l'accroissement du risque terroriste engendre inéluctablement un accroissement des primes d'assurance. Cette élévation du risque terroriste dans le Maghreb, si elle venait à se prolonger dans le temps, ne serait pas neutre sur l'intégration des économies de la région aux économies développées. Ceci est d'autant plus vrai que les économies du Maghreb, parties individuellement dans la concrétisation d'accords suprarégionaux, n'arrivent pas à construire un espace commun à même de juguler en interne les risques d'instabilité.