Le printemps amazigh, célébré annuellement depuis 1980 en Kabylie dans une atmosphère de protestation politique, tombe dans l'oubli. Habituellement, des festivités culturelles, des marches de protestation et des grèves générales sont organisées par le Mouvement culturel berbère (MCB) pendant des années pour revendiquer l'officialisation de tamazight alors que depuis 2002, c'est les archs qui programment des manifestations. Le printemps berbère de 2007 semble consacrer l'enterrement définitif de cette date, repère historique, symbole des luttes démocratiques. Du moins dans son aspect populaire. Car ni les animateurs du MCB des années 1980, ni ceux des archs de cette décennie, encore moins les étudiants de l'université Mouloud Mammeri, n'ont annoncé pour ce 27e anniversaire du printemps berbère une quelconque action de masse. Les énergies semblent absorbées par des considérations autres que protestataires. Saïd Boukhari, ancien militant du MCB, est amer dans son constat. « 2007 est une année qui ramasse toutes sortes de problèmes. Aujourd'hui, le terrorisme, le chômage, les difficiles conditions sociales préoccupent sérieusement les esprits. De plus, les pouvoirs publics ont hermétiquement verrouillé le champ politique et culturel. La situation quotidienne est telle que l'on n'a pas le temps de penser à autre chose », dit-il. Ce défaitisme n'est-il pas alimenté par les divergences politiques et la collusion d'intérêts entre les animateurs d'actions populaires ? La célébration est timide. Ce vendredi 20 avril 2007 s'annonce ordinaire. L'adhésion massive de la population aux mots d'ordre de grève générale, de marches pour revendiquer un statut officiel à la langue amazighe et la mise en pratique des revendications de la plateforme d'El Kseur, a commencé à décliner en 2004. L'année suivante, les étudiants de l'université Mouloud Mammeri, appuyés par le RCD, organisent une marche pendant que ceux qui ont suivi les archs dansaient sous les rythmes gais de chanteurs invités à se produire au stade Ramdane Oukil. L'année dernière, le scénario est quasiment le même. Mais, sans la chanson. La désaffection est historique et les divisions entre les différents organisateurs plus évidentes. La désillusion est grande. Cette année, Tizi Ouzou ne marchera pas et l'activité continuera son cours normal. Le « bastion de la contestation » est rentré dans les rangs. Les idéaux de luttes populaires sont lâchés par leurs porteurs, et c'est l'administration de la wilaya de Tizi Ouzou qui récupère la date. Ainsi, c'est la direction de la culture de la wilaya, en collaboration avec sept associations, qui organise un programme d'activités pour célébrer le 27e anniversaire du printemps berbère du 16 au 23 avril. A travers le programme élaboré pour cette semaine, la folklorisation l'emporte sur la protestation. Ces activités, qui marquent un tournant dans la manière de célébrer le printemps berbère, ont le mérite d'exister. La nature a horreur du vide. N'étaient ces manifestations d'artisans (expositions de poterie, de robes traditionnelles, de tapis), le 20 avril aurait été un jour quelconque.