Avec l'arrivée de Valentino en décembre dernier, Salvatore Ferragamo voici quinze jours et, maintenant, Ermenegildo Zegna, l'Avenida Alvear pourrait devenir, incontestablement, l'avenue Montaigne de Buenos Aires. Bien avant la grande crise économique qui a secoué l'Argentine, en 2001, de grandes griffes internationales telles que Louis Vuitton, Hermès, Ralph Lauren avaient ouvert des boutiques dans le quartier chic de Recoleta. La dévaluation du peso a attiré des investisseurs étrangers en hôtellerie. Aujourd'hui, tout le secteur est truffé de palaces bardés d'étoiles. La majorité des grandes maisons de luxe ne proposaient que leurs grands classiques et des accessoires. Buenos Aires figure parmi les capitales branchées qui font la une des magazines internationaux. L'Argentine et le reste de l'Amérique latine sont de nouveaux territoires d'expansion. « C'est un marché hétérogène », explique Frédéric Morelle, président de la zone Amérique latine chez Louis Vuitton. « Le Mexique se rapproche des Etats-Unis en termes de consommation. Le Brésil a des goûts atypiques liés à sa culture, alors que les autres pays sont plus traditionnels. » En 1989, le malletier français inaugurait ses premières boutiques de la zone, à Mexico et São Paulo. Depuis, il s'est implanté au Chili, au Venezuela, en Colombie et en Uruguay et compte aujourd'hui 17 adresses. Trois autres sont prévues d'ici fin 2007, dont une première à Panama et une quatrième à São Paulo. Mais son rythme d'implantation reste sans commune mesure avec sa stratégie en Asie. Les groupes de luxe n'ont pas quadrillé la zone car il n'y a pas partout la même concentration de population. Selon certains spécialistes, l'Argentine y occupe la place « d'un diamant brut ». Mais avec la crise, les Argentins n'ont plus eu les moyens d'aller voir ailleurs pour s'inspirer et ont commencé à réellement créer en s'appuyant sur leurs propres racines. À Buenos Aires, cette introspection créative se traduit à bien des niveaux, en commençant par le nouveau musée d'art moderne Malba ou encore l'ouverture des boutiques de mode à la manière du Soho new-yorkais. Jessica Trosman est la créatrice locale la plus prometteuse. Ses jeux de volumes et de superpositions se rapprochent des créations d'Ann Demeulemeester, avec des détails de plissés et de broderies en plastique Cette syliste estime que les Argentines ne sont pas encore habituées à la création. Il faudra plusieurs années pour les éduquer. Son ancien associé Martin Churba ne manque pas non plus de talent. Il développe des impressions uniques, crée de nouvelles textures métissées à des étoffes recyclées, sous l'étiquette Tramendo. Encore plus singulier et tout argentin, la marque Manto créée par Clara de la Torre et Diana Dai Chee-Chaug en 2003. Ces dernières dessinent des lainages avec des artisans tisseurs des montagnes du nord du pays.Pas deux de leurs manteaux ne se ressemblent, tous sont des pièces uniques et l'adresse de leur petit atelier de Palermo, peu connu dans leur ville, circule déjà à l'autre bout du monde.