La salle de la maison de la culture Abdelkader Alloula, mercredi dans la soirée, a servi d'espace d'expression pour Abdallah Aggoune. Un médecin qui s'est converti au théâtre, même s'il continue son activité dans son cabinet près d'Alger. Le spectacle d'une heure quarante, mis en scène par son frère le cinéaste Chérif (auteur de La Nuit des Djinns) est un véritable régal, en ce sens qu'il a réussi un flash-back artistique impressionnant. Pour nous rappeler, tel un documentaire, les péripéties d'un peuple ayant été soumis à toutes les injustices, toutes les agressions de toutes parts. On en est témoin et auteur, malgré nous. Et, bizarrement, on en rit. Abdallah, avec un jeu scénique, subtilement, nous transporte d'un moment à l'autre de notre vie avec aisance. Il nous tourne en dérision, mais avec une honnêteté intellectuelle qui met davantage en valeur son art. Il raconte l'Algérie douloureuse, gaie, contradictoire… sans tabou, mais avec intelligence. Personne n'est épargné. Nous passons tous à la trappe. Aïn Rssass, un pays fantôme où le comportement des personnages est décortiqué. Les lieux aussi. Tel un conte moderne, on se remémore, avec du recul, un regard artistique, les événements du 8 octobre et le chahut d'enfants, la décennie noire et ses émasculés, le multipartisme, « Club des pains », Arch Taïwan (Tayeb Louh), le « j'assume », le « je n'ai pas été assez intelligent »… Le certificat de virginité, demandé à une vieille fille de 39 ans, l'impuissance sexuelle et le machisme… Le médecin-tailleur, celui qui recoud l'hymen de la honte… Les traditions passent à la scie, aussi. Sacré Abdallah…Une véritable encyclopédie… Et on en rit. Sans complexe. Sans pudeur. Aïn Rssass n'est que notre Algérie. Où l'amour, l'humour et l'amour s'embrassent, s'embrasent, mais ne s'embarrassent jamais. Vue de l'extérieur, Aïn Rssass est belle à voir. Elle est difficile à vivre. Mais dont on ne peut se passer. « Le rire est une thérapie », dit-il, et on ne peut que le croire, lui, le médecin et artiste. Qui mieux que Abdallah peut nous prescrire une ordonnance ? A la fin du spectacle, grâce à Abdallah, on a en face de nous, chacun son diagnostic. Et un remède. L'on vit toujours… grâce aux hommes comme Abdallah Aggoune.