Alain Ménargues, grand reporter à Radio France internationale (RFI), crée une grande polémique avec son livre Le Mur de Sharon. Il s'est vu dans l'obligation de démissionner de son poste de directeur des informations pour ses propos jugés « antisémites ». Il y a le fond et la forme. Sur le fond, personne n'a attaqué le dernier livre d'Alain Ménargues, Le Mur de Sharon. Il est très difficile de le faire. D'abord, l'enquête est minutieuse et très bien documentée. Ensuite, l'auteur n'est pas un profane du conflit israélo-palestinien. Il était envoyé spécial permanent pendant 17 ans au Moyen-Orient. Son cursus professionnel est impressionnant. Lauréat du Pierre Mille (1985) pour la couverture du Liban, il s'est vu aussi décerner le prix Scoop en 1998 pour son travail sur le monde arabe. C'est donc en homme de terrain qu'il parle du mur qui sépare Israël des territoires palestiniens. Pour Alain Ménargues, la construction de ce mur, 70 à 100 m de large sur une longueur de 700 km, est le prélude à un transfert de 210 000 Palestiniens. Selon lui, l'idée de l'édification de ce mur, barrière de sécurité pour les Israéliens et mur de la honte pour les Palestiniens, obéit à une autre logique que celle évoquée par l'Etat hébreu : empêcher l'infiltration des kamikazes palestiniens. Polémique et vérités Il faut remonter à 1923 pour trouver l'origine de ce mur, qui revient à près de 3 millions de dollars le kilomètre. C'est le théoricien sioniste Vladmir Jabotinsky qui en a eu l'idée. Il voulait séparer les deux peuples. Ariel Sharon l'a concrétisé, au grand mépris du droit international. « Englobant les colonies juives et les terres agricoles arabes les plus fertiles de Cisjordanie, il coupe en deux ou isole des villages palestiniens, sépare les membres de la même famille, les élèves de leurs écoles, les malades des hôpitaux... », note Alain Ménargues dans sa présentation de son livre. Les objectifs du mur sont doubles : accaparer le plus de terres fertiles possibles et lutter contre la démographie, dans quelques décennies, la population israélienne serait minoritaire... en Israël. La forme, donc. Sur la chaîne de télévision LCI, l'auteur a qualifié Israël d'Etat raciste. La Société des journalistes se désolidarise et demande son départ quelques jours plus tard après ses propos sur Radio Courtoisie, proche de l'extrême droite. « J'ai été très choqué par le mur. J'ai été voir des gens, des rabbins, des hommes politiques. Si vous regardez le Lévitique, dans la Torah, qu'est-ce que c'est ? La séparation du pur et de l'impur. Un juif, pour pouvoir prier, doit être pur ; tout ce qui vient contrarier cette pureté doit être séparé. Lisez le Lévitique, c'est écrit en toutes lettres. Quel a été le premier ghetto au monde ? Il était à Venise. Qui est-ce qui l'a créé ? Ce sont les juifs mêmes, pour se séparer du reste. Après, l'Europe les a mis dans des ghettos. » Devant la fronde de presque tous les syndicats de RFI, Alain Ménargues a préféré démissionner. Même que le Quai d'Orsay, principal actionnaire de RFI, a réagi en jugeant les propos d'Alain Ménargues « inacceptables ». Sa présence à Radio Courtoisie est jugée au mieux comme une provocation, au pire comme partageant les idées véhiculées par ce média. De toutes façons, le choix ne semble pas des plus heureux. Selon lui, cité par Libération, il a été victime d'une manipulation conduite par un noyau de juifs communautaires. Toute cette polémique n'enlève rien au sérieux et à la rigueur de son travail. Son livre, édité par les Presses de la renaissance, pose un regard sans complaisance et approfondi sur un conflit réduit à des attaques et représailles. Il offre des clefs pour une meilleure lecture.