Le pionnier de la chanson moderne et engagée kabyle a présenté à Béjaïa, devant un parterre « d'initiés », son nouvel album. Rabah fait dans un nouveau type de promotion en présentant à débat trois de ses titres. Rabah Inaslyen, revient avec Vrighaouene, un superbe album de neuf titres où les arrangements musicaux sont cosignés avec Bazou (un musicien dont on dit beaucoup de bien sur la qualité de l'orchestration). Le chanteur n'affectionne pas tellement une présence à travers la production. En près de 35 ans de carrière, trois albums seulement. Un 45 tours en 1970 avec deux titres Idhourar et Taymats, un 33 tours sorti en Espagne en 1976, et qui n'a pas marché » ; Tafsut Oumazigh en 1983 avec le titre phare qui, à l'époque, a fait un tabac ; Tiloufa inspiré des événements du printemps berbère, et un single non diffusé Issiakhem en 1992. Cette « parcimonie » était « encouragée » par la piètre fidélité acoustique des enregistrements de l'époque. Les moyens techniques des studios et des maisons d'édition ne rendaient pas les sonorités. Et le même carnet, s'il inscrit de nombreuses apparitions publiques, particulièrement durant les années 1980 et les années qui ont suivi « l'ouverture », il marque, pour dernière tournée, 1997. « C'était les années chaudes », explique Rabah. En 2 CV, avec Bazou, il fallait se faire discret sur les routes. L'instrumentation se limitait à une guitare sèche et un clavier suppléés par… les voix. Pour Rabah, le devoir avait été tout de même accompli puisqu'avec ce qui se passait, il réussissait, se rappelle-t-il pour exemple, un passage à Tazmalt avec près de 75 personnes. Inasliyen revient dans Vrighaouene livrer sa deuxième bataille « contre les prédateurs » de manière plus philosophique. Le premier titre, un rock pop aux solos enveloppés, sur une entame organique style Michel Jarre. Tirga l'toufan est inspiré des famines qui s'abattent sur les nations pauvres. « L'ordre veille sur une sépulture vieille de 5000 ans, elle peut éliminer des vivants pour protéger des morts... » Une emblématique résumée à un enfant mort dans les bras de sa mère se voyant dans le futur être l'objet d'une délicate fouille archéologique. La plainte est déclamée sur des voix graves. Le deuxième morceau que nous a fait écouter Rabah Inasliyen est un hymne à la jeunesse, Ilemziyen. La thématique s'inspire des révoltes passées et exhorte à l'implication dans sa destinée. Un istikhbar chaâbi exécuté par Hafidh Djemaï sur le mode zidane, comme pour signifier l'origine el biaroise de Rabah, débouche sur un rythme soul léger. Une symbolique pour marquer « l'ouverture sur le moderne ». Le titre phare Vrighaouene (je vous répudie) est plein d'une musique alerte rythmée par un jeu de guitare aux sonorités métalliques qu'ouvre un glas. Les mots sont une bravade. « Comme les punaises, c'est la tique qui est votre frère. »