Ras El Oued, ville des contrastes. Jadis calme, elle a basculé soudainement dans la violence, un phénomène que l'on croyait éradiqué à jamais, puisque le dernier en date remonte à l'année 1991, qui coïncidait avec l'avènement du parti dissous. En ce 5e jour d'émeutes, la cité donne l'impression d'une ville en guerre, les gens font leurs emplettes la matinée pour s'enfermer le reste de la journée. Les averses qui se sont abattues sur la ville n'ont pas pour autant cicatrisé les stigmates occasionnés par le cyclone, encore moins charrié les résidus des pneus brûlés et les cendres générées qui accentuaient davantage les souffrances des ménagères dont certaines sont fragilisées par les tournures dramatiques qu'a connues ce mouvement de contestation. 24 heures après la visite d'une délégation conduite par le wali, tôt dans la matinée, les services de la voirie et des autochtones s'affairaient à nettoyer les chaussées et débloquer certains accès, tandis que les premiers groupes commenceront à se former et les discussions allaient bon train, mais l'essentiel tournait autour de la libération des 16 émeutiers arrêtés et qui devaient comparaître hier. On parle d'un ultimatum qui a été fixé à 14h. Tout semblait calme pour cette matinée de lundi, excepté une centaine de parents environ observant déjà depuis des heures un sit-in devant le tribunal et tenus en respect par le service d'ordre, un dispositif sécuritaire remarquable estimé à des centaines d'éléments de brigade anti-émeute tous corps confondus appuyés par plus d'une trentaine de fourgons blindés stationnés à proximité du commissariat et du siège de justice. Il est 14h et les émeutiers mettent à exécution leur menace. Les choses ont vite dégénéré pour laisser place à la confrontation avec le service d'ordre. A chaque fois qu'ils arrivaient à disperser un groupe un autre surgit d'un autre quartier. Des sources crédibles parlent de beaucoup de blessés des deux côtés. A l'heure où nous mettons sous presse, l'atmosphère n'augure rien de bon. D'où la nécessité d'entreprendre des démarches qui vont dans le sens de l'apaisement parce qu'à l'allure où vont les choses, il risque d'y avoir des dérapages. Des colonnes de fumée se dégagent des cités populaires comme Mellouza, Bouras et les 26. Selon une source crédible, une commission d'enquête aurait été dépêchée d'Alger pour faire toute la lumière sur cette affaire qui risque de faire tache d'huile, à une semaine des élections législatives. Il est 18h30. La furie des manifestants dans leur confrontation avec les brigades a doublé de violence, un ascendant dans lequel les émeutiers ont recouru à des cocktails Molotov, d'où la riposte du service d'ordre par des bombes lacrymogènes pour disperser les foules concentrées essentiellement autour du siège de la sûreté de daïra. Craignant le pire, un groupe du GIR assure la protection de la station-service relevant de Naftal. Ces mêmes forces éprouvées par les affrontements peinent à rétablir l'ordre.