Les habitants de ce quartier voulaient perturber la visite du président de la république. Epargnée par le vent d'émeutes qui a soufflé sur tout l'est du pays en 2001, Constantine pourrait devenir, cet été, le théâtre de la protesta tant les foyers de tension se multiplient à la faveur de la dégradation du cadre de vie dans bon nombre de cités. Hier, la nouvelle cité des Frères Abbas, implantée dans l'immense quartier de Oued El-Had, dans la périphérie de Constantine, et où la population est excédée par la pénurie d'eau, qui perdure depuis plus d'une année, alors que le thermomètre oscille actuellement entre 48° et 50°, est sortie bruyamment de sa réserve. Les habitants ont, en effet, dressé des barricades sur la route de Djebel Ouahch, interdisant l'accès aux hauteurs de la ville aux automobilistes. À la sortie de la prière du vendredi, les riverains se sont retrouvés face à un mouvement de révolte mené par des dizaines de jeunes qui, pour exprimer leur ras-le-bol quotidien, brûleront quelques pneus. La très dense circulation sur cet axe routier, qui mène aux cités la Boom et Djebel Ouahch, était carrément bloquée pendant au moins deux heures. Alertées, les forces de l'ordre ont tôt fait d'arriver sur les lieux. Selon un groupe d'émeutiers, le commissaire de sûreté du 4e arrondissement aurait pris langue avec eux et leur aurait promis de transmettre leurs doléances aux autorités concernées. Une promesse qui ne semblait pas être velléitaire ou de circonstance, puisque le président du comité de quartier confirmera ses entretiens avec les responsables des services de l'ordre, de l'Algérienne des eaux et de l'hydraulique. Ces derniers s'engageront à surmonter le problème de la pénurie dans les heures qui suivront, selon notre interlocuteur. Pour leur part, les émeutiers menacent de revenir à la charge et de multiplier les démonstrations de force, en début de semaine si la situation n‘évolue pas dans le sens convenu. Edifiée grâce à l'autoconstruction, la cité Rouge pour certains, Nouvelle pour d'autres, souffre d'une multitude de problèmes liés directement à l'environnement, à l'aménagement ou tout simplement à l'absence de commodités. Mais il se trouve que le problème de l'eau supplante le reste, puisque les 400 familles qui y résident ne voient ce précieux liquide couler de leur robinet qu'un jour par mois, dans le meilleur des cas, selon les témoignages recueillis sur place. “Je suis contraint, chaque matin, d'aller au hammam (bain maure, Ndlr) d'en face pour me débarbouiller le visage”, dira l'un des membres de l'association de quartier. Un témoignage qui résume éloquemment la précarité et le calvaire de ces personnes. Pour le contraste, en face, il désigne plusieurs quartiers huppés où de belles villas sont érigées presque avec arrogance et où l'eau, dira-t-on, coulerait toute la journée. Toutes les autorités, à quelque niveau que ce soit, ont été saisies par les voies légales de recours, nous a certifié le président de l'association Amel El-Moustaqbel qui, pour étayer ses propos, brandira un tas de correspondances adressées à qui de droit dont la dernière est datée du 11 juin 2003. Aucun écho favorable n'est venu en réponse à leur démarche ou leur aspiration à éradiquer l'insalubrité. Les habitants ne cachent pas leur crainte quant à la dégradation de l'hygiène sur ce site et les risques de voir ressurgir des maladies, telles les MTH, la méningite ou même la peste, qui sévit dans certaines régions du pays. À la nouvelle cité des Frères Abbas la tension a certes baissé, mais la situation demeure toujours tendue. Le retour définitif au calme est tributaire de la bonne volonté des autorités à solutionner le problème de l'alimentation en eau potable. Auquel cas, les riverains, qui comptaient perturber la visite présidentielle de lundi dernier à Constantine, pour se faire entendre et qui y ont renoncé suite à l'intervention du comité du quartier et quelques sages, n'hésiteront plus à remettre leurs revendications à l'ordre du jour. N. D.