Le texte n'est jamais quelque chose de définitivement figé. Les signes qui le constituent, interprétés différemment, libèrent à chaque manipulation un sens nouveau. Il y a autant de manières d'interpréter un texte qu'il existe de méthodes. Celles-ci de plus en plus savantes, de plus en plus percutantes n'ont qu'un objectif : élargir le champ sémantique à l'infini. Le colloque sur les textes et les approches méthodologiques en vigueur, qui s'est tenu au centre universitaire du 28 au 30 avril dernier, l'a suffisamment illustré par différentes communications. Les apports de cette rencontre, à laquelle participaient plusieurs professeurs algériens et étrangers, sont d'une importance pour une meilleure connaissance de l'écrit. Il est évident que depuis que se tient périodiquement ce colloque dans notre wilaya, un étudiant et un professeur ne regardent pas un texte du même œil, non pas suivant la définition d'un des états du moi qui veut que « la 2e fois que je vois un objet, c'est différent parce que le contexte a changé et que c'est la 2e fois », mais parce que leur regard a changé grâce aux perspectives ouvertes devant eux par les nouvelles approches méthodologiques. Rien ne nous paraît plus exact que cette note personnelle prise dans un ouvrage consacré à la critique littéraire. « L'exploration de l'œuvre pour découvrir à travers elle les manifestations des profondeurs d'une conscience et définir l'organisation secrète, structurelle et dynamique, a servi de prétexte à des investigations thématiques, véritablement infinies. Tout peut y passer : le temps, la mort, la vie, le corps, les différents sens, les différents âges… » Mais écoutons Jean Starobinski, cité par cet ouvrage : « Pour être descendue dans la matérialité de l'œuvre, pour l'avoir expliqué, dans le détail de sa facture, dans son être formel, dans ses rapports intimes et dans ses relations intrinsèques, la critique thématique aura reconnu plus sûrement la trace d'un acte, l'aura répété à sa manière et jugeant cet acte, lui conférant le sens agrandi qui résulte de sa vérité interne et de ses corrélations externes de son contenu explicite et de sa portée implicite, elle se fait acte à son tour, elle s'exprime et se communique pour que lui répondent, dans un avenir qu'elle suscite, des actes plus limpides et plus souverains. » A quoi lui fait écho Olivier Mannoni, dans le même ouvrage, La critique : « Tout texte peut toujours en dévoiler un autre, et donc une psychanalyse littéraire est possible à l'infini. Il n'y a pas d'exhaustivité de la critique analytique qui semble atteindre par une radicalisation de la démarche interprétative, le comble de la critique littéraire : faire sortir du texte plus de non-dits, en apprendre plus, et sur l'auteur et sur le lecteur et sur le fonctionnement, tout dire et dire entre autres choses que rien n'a été dit : un n'importe quoi peut toujours représenter un autre n'importe quoi. » En résumé, pris dans le prisme d'une critique littéraire moderne, le texte peut être répercuté à l'infini.