Le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire, se trouve depuis hier en Libye, et ce, en réponse à une invitation de son homologue libyen, Aboubakeur Younes Djaber. Dans le laconique communiqué du ministère de la Défense nationale, il est fait état d'une visite de trois jours, s'inscrivant dans le cadre « de la poursuite des relations de coopération militaire bilatérales » qui devra permettre « d'examiner conjointement les domaines d'intérêt commun ». Invitée à donner plus de détails sur la nature de cette coopération militaire, la grande muette n'a pas voulu déroger à sa règle d'or de black-out total en matière de communication, n'avançant aucune autre précision sur l'objet de cette visite. Il nous est toutefois aisé de placer ce « rapprochement » militaire dans le contexte global de la course à l'armement dans la région. Sortant d'un embargo militaire en 2004, la Libye se voit sujette à une course effrénée vers l'achat d'armes nouvelles en vue de moderniser son arsenal militaire. Au début des années 1990, la Libye comptait une armée deux fois plus importante que la Tunisie, avec une armée de terre de 40 000 hommes, une marine de 8000 hommes et une armée de l'air de 22 000 hommes. La Libye ambitionnerait de se replacer dans l'équilibre stratégique au Maghreb, notamment après les importants accords d'équipement militaire signés entre l'Algérie et la Russie. Le pays de la Jamahiriya s'est d'ailleurs vite rapproché de Paris afin de se faire livrer du matériel d'aviation. Le montant de l'achat algérien n'est pas pour déranger les Libyens ni les Marocains qui n'ont pas hésité à aller faire des « emplettes » sur le marché de l'armement, notamment français. Rappelons que Alger a négocié l'achat pour un montant financier de 7,5 milliards de dollars. Est-ce que l'armée libyenne se rapproche du bon client russe, qui est l'Algérie, afin de mieux apprécier la marchandise du fournisseur ? L'invitation émise par le général libyen pourrait par ailleurs abonder dans le sens de l'appel lancé par le guide de la Jamahiriya, Mouamar El Kadhafi, aux pays africains d'arriver à constituer une armée africaine unique. Pour le chef libyen, l'Afrique restera toujours « fragilisée et exposée aux dangers, tant qu'elle ne disposera pas d'une force de défense unique », estime le colonel El Kadhafi.