Les objectifs du patron de l'ANP seront plus «lourds», s'agissant de fixer les stratégies militaires et les points de vue sur les questions qui agitent la région. Le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), effectue, depuis hier, une visite officielle en Libye, à l'invitation du secrétaire de la commission populaire générale provisoire de défense de la Libye, le général-major Aboubakeur Younès Djaber. Cette visite qui s'inscrit dans le cadre de «la poursuite de la consolidation des relations de coopération militaire bilatérales, permettra aux deux parties d'examiner conjointement les domaines d'intérêt commun», a indiqué un communiqué lapidaire du ministère de la Défense nationale (MDN). Bien que rien n'a été dévoilé au sujet de cette visite, s'agissant des sujets d'importance, il semble, toutefois, que l'axe de travail sera articulé autour des réglages à trouver et des ajustements à faire au niveau de la coopération militaire et sécuritaire. Car depuis quelque temps, rien n'est plus aussi reluisant qu'on ne le dit. En juillet 2006, un accord de coopération dans le domaine de la sécurité a été paraphé entre le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M.Nouredine Yazid Zerhouni, et son homologue libyen, le général Salah Rajab El Mismari, alors en visite de travail à Alger. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales avait expliqué, alors, que le contenu de l'accord paraphé avec son homologue libyen vise à «donner une nouvelle impulsion à la coopération technique dans le domaine de la sécurité», et qu' «à la faveur de la signature de cet accord de coopération, notre travail commun sera plus efficace». A cette époque-là, le chef de la Jamahiriya libyenne, le leader Mouammar El Gueddafi, avait irrité, non pas uniquement Alger, mais aussi tous les chefs d'Etat de la région saharo-sahélienne en appelant les Touareg à se fédérer. Irritation qui changea vite en divergences politiques sérieuses lorsque des Touareg rebelles maliens organisent une insurrection à Kidal et dans le nord du pays. Une fois encore, il fallait recourir à la médiation algérienne pour lisser les aspérités entre les rebelles et le régime de Bamako. Entre Alger et Tripoli, et bien qu'on ne le dise pas, les choses allaient moins bien qu'elles n'en avaient l'air, et il n'y avait pas que les questions sécuritaires qui perturbaient leurs relations. C'est certainement dans ce contexte précis qu'il faut placer la visite du secrétaire du Comité populaire général de la sécurité publique libyenne (équivalent de ministre de l'Intérieur), le général Salah Rajab El Mismari qui eut des discussions aussi bien avec le ministre de l'Intérieur, Nouredine Yazid Zerhouni, qu'avec le patron de la police algérienne, Ali Tounsi. Sitôt arrivé, il avait annoncé immédiatement: «Nous avons de grandes actions communes et des objectifs communs, et nous allons discuter de questions touchant aux intérêts de la Libye et de l'Algérie et relevant de nos compétences (...). Il y a une activité continue entre nos deux pays pour assurer le bien-être, la stabilité et la sécurité au profit des peuples algérien et libyen, qui ont des liens historiques et forts.» Comme il se doit, cette formule n'aura éclairé les choses en rien. Mais Zerhouni était un peu plus clair: «Cette visite constituera sûrement une occasion de donner une nouvelle impulsion à la coopération technique dans le domaine de la sécurité entre l'Algérie et la Libye (...) Nous avons déjà une coordination et nous devons entamer une nouvelle étape», suggérant qu'après cette visite, le travail des polices algérienne et libyenne «sera plus fort et plus efficace, au profit des deux peuples», notamment les citoyens libyens et algériens vivant dans la zone frontalière. Le général Salah Rajab El Mismari, qui était accompagné dans sa visite à Alger d'une importante délégation, avait, notamment dans son agenda, des points précis à proposer et à débattre, dont la circulation des Algériens, très nombreux sur le sol libyen, le travail au noir de certains d'entre eux, l'immigration clandestine et le mouvement des Touareg qui vivent le long des frontières. Alger était surtout intéressée par un listing exhaustif des ressortissants algériens vivant en Libye. Un état des lieux, en quelque sorte, des Algériens passés à Tripoli, Benghazi et Beïda, les trois villes où la présence des ressortissants algériens est forte depuis le début des années Pour Gaïd Salah, les objectifs seront plus «lourds», s'agissant de fixer les stratégies militaires et les points de vue sur les questions qui agitent la région. Il n'y a pas longtemps, Tripoli, emboîtant le pas à Alger, a rejeté l'idée de la création d'un commandement militaire américain en Afrique, arguant, elle aussi, que Washington «n'aura rien à gagner d'une pareille initiative, et tout à perdre face à la montée de contestation anti-américaine dans le continent». La Libye qui s'est souvent alignée sur les positions politiques algériennes, aura à coeur de bien négocier ce regain de forme entre Alger et Tripoli, et regagner la confiance d'Alger, quand on sait la fragilité d'une région en manque de stabilité. La Libye, qui traverse une période de tension, avec notamment la fragilité de l'état de santé de El Gueddafi, aura toutes les raisons du monde de profiter pleinement de cette visite du patron de l'armée algérienne.