La tenue, à partir d'aujourd'hui, du congrès mondial des journaux en Afrique du Sud met en avant la situation de la presse écrite africaine. Constituant une première expérience pour le continent noir, ce rendez-vous permettra d'examiner l'état des journaux dans les pays africains, leur évolution et leur réaction par rapport à la révolution technologique qui a ébranlé le monde. L'Afrique a-t-elle une presse dynamique, débarrassée des contingences politiques et des goulots économiques qui la bâillonnaient ? La presse africaine (francophone, anglophone et arabophone) a-t-elle acquis sa liberté ? Comment réagit-elle au développement technologique mondial ? Quels sont les défis à relever par les médias africains en cette ère des nouvelles technologies de l'information et de la communication ? En dépit de quelques évolutions, la presse africaine souffre toujours de nombreuses insuffisances, en premier lieu, son indépendance par rapport aux pouvoirs politiques. Que ce soit dans les rapports des organisations internationales, des ONG non-gouvernementales et lors des diverses rencontres sur les médias, le nom de la presse africaine est souvent lié à la répression sous toutes ses formes. Mis à part quatre à cinq pays, la presse écrite dans les pays africains souffre des nombreuses contraintes politiques et économiques. Mais ce n'est pas l'unique problème. Les journaux africains sombrent dans une précarité multidimensionnelle. Une précarité omniprésente et menaçante Selon des rapports d'organismes internationaux, la presse indépendante en Afrique peine à sortir la tête de l'eau. Elle vit dans un environnement où tout est précaire. D'abord il y a l'environnement juridique. En Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Ouganda et dans d'autres pays de l'Afrique subsaharienne, l'arsenal juridique se dresse souvent comme un mur devant l'évolution de la presse. En Tunisie par exemple et selon un rapport de l'Association mondiale des journaux (AMJ), la liberté de la presse « est gravement détériorée ». « Nous avons été témoins, à notre grande déception, d'une sérieuse dégradation des conditions de la liberté d'expression en Tunisie, eu égard en particulier aux organisations indépendantes, au harcèlement des journalistes et des dissidents, à l'indépendance du pouvoir judiciaire, au blocage de la distribution de livres et de sites web et à l'emprisonnement de l'avocat pour les droits de l'homme, Mohamed Abbou, pour avoir exprimé son opinion dans des articles sur internet », note l'AMJ dans un de ses rapports. En Ouganda, l'adoption en mai 2002 d'une nouvelle loi antiterroriste a porté une grave atteinte à la liberté de la presse. « Selon cette législation, les journalistes qui écrivent des articles considérés comme encourageant le terrorisme risquent jusqu'à dix ans de prison ou la peine de mort », explique la même source. Outre le problème juridique, la presse africaine souffre « d'absence de formation et d'associations représentatives, des conditions de travail inappropriées, une situation financière asphyxiante jalonnée par l'absence de capitaux de départ, de fonds de roulement, de difficultés à recouvrer le produit des ventes d'une diffusion artisanale ». Les goûts du lectorat africain se sophistiquent Pour sortir de leur enlisement actuel, les journaux ont besoin, indique les rapports en question, de se redéfinir une ligne éditoriale claire et de relever la qualité du traitement de l'information (sélection des thèmes, rédaction). « Pour cela, les journaux doivent pouvoir investir et dépasser la gestion économique au jour le jour, à laquelle les contraint la précarité de leur situation économique », estime-t-on dans le même document. En sus de la question politico-économique, les journaux africains doivent fidéliser leur lectorat. Ils doivent développer « une échelle de fidélité » comme le font les journaux sur d'autres marchés. Pour des spécialistes des médias africains, tels que Jim Chisholm, « l'industrie de la presse en Afrique doit accepter de changer, de se rapprocher de ses lecteurs et d'innover pour être prête à affronter - et à surmonter brillamment - les prochains défis ». La meilleure façon pour relever le défi du lectorat en Afrique, indique-t-il, est de tirer les leçons des expériences de leurs homologues européens. « Le plus grand défi - et la principale opportunité - sera de continuer à atteindre de nouveaux lecteurs et d'attirer les gens qui savent lire et qui ont les moyens d'acheter un journal. Les journaux africains rencontrent des difficultés et des opportunités très différentes de celles de leurs homologues européens », note le spécialiste. Cependant, explique-t-il, les journaux africains bénéficient de niveau de lectorat incroyablement élevé. Il cite, dans ce sens, l'Afrique du Sud (un pays où la presse a acquis sa liberté il y a seulement 10 ans) où il sont environ 6,5 lecteurs par exemplaire. « Dans d'autres pays, ils peuvent atteindre 10 lecteurs. Le défi est donc d'établir des échelons de fidélité », estime-t-il. Afin de réaliser cet objectif, les journaux doivent encourager, ajoute la même source, le lectorat, l'achat occasionnel et enfin l'achat régulier. « Tous ceux qui travaillent pour un journal doivent être au service absolu des échelons de fidélité, et chaque employé doit se demander comment amener une personne de plus à lire ? Comment amener les gens à acheter un exemplaire de plus par semaine ? Comment les inciter à acheter quotidiennement ? Il s'agit là du plus grand défi stratégique n'importe où dans le monde de la presse », lance Jim Chisholm. En plus de la liberté de la presse, le 60e congrès mondial des journaux abordera une autre question plus importante. Celle relative à l'adaptation de la presse en Afrique avec l'explosion technologique. L'avènement de l'internet impose à tous les médias dans le monde de suivre cette évolution. Aucun journal au monde ne doit rester en marge de la révolution technologique au risque de se retrouver à l'écart du monde.