Les pouvoirs publics ont décidé de mettre le holà dans la pratique des cultes non musulmans en Algérie. En effet, plus d'une année après l'adoption de l'ordonnance n°06-02 bis du 28 février 2006, fixant les conditions d'exercice des cultes autres que musulman, un décret exécutif vient d'arrêter définitivement les nouvelles règles pour ce genre d'activités religieuses. Le texte en question, qui porte sur les conditions et modalités du déroulement des manifestations religieuses des cultes autres que musulman, a été publié dans le Journal officiel. Ses dispositions s'inspirent largement de celles édictées par l'ordonnance de février 2006, sommant les étrangers résidant en Algérie de se constituer en association pour pouvoir exercer librement leur culte. Ainsi, dans son article 2, le décret définit d'abord la notion de manifestation religieuse qui est « un rassemblement momentané de personnes, organisé dans les édifices accessibles au public par des associations à caractère religieux ». Il va de soi que ce décret exclut formellement toute autre activité cultuelle qui n'obéirait pas à ces exigences. Le législateur met un autre tour de vis à la pratique religieuse occulte, en subordonnant la manifestation à un feu vert préalable du wali (le préfet) comme précisé dans l'article 3. Les organisateurs de l'activité religieuse doivent en effet formuler une demande « au moins cinq jours » avant son déroulement. Et comme pour identifier les auteurs, les pouvoirs publics exigent désormais que ladite déclaration soit signée par trois personnes jouissant de leurs droits civils et qu'elle comporte tous les renseignements liés à la manifestation. « Il s'agit notamment des noms, prénoms et domicile des organisateurs, de l'objet de la manifestation, de la dénomination et le siège de l'association, du lieu, du jour, de l'heure et de la durée du déroulement de la manifestation. » Les organisateurs devront également indiquer le nombre envisagé de participants et les moyens prévus pour assurer son bon déroulement « depuis son début jusqu'à la dispersion des participants ». Une fois cette déclaration faite par un représentant « dûment mandaté », l'administration délivre un récépissé indiquant les coordonnées des organisateurs et les numéros des pièces d'identité des personnes ayant fait la déclaration. Le décret exécutif autorise le wali à demander aux organisateurs « 48 heures après le dépôt de la déclaration » de changer le lieu de la manifestation en proposant un lieu présentant les garanties nécessaires à son bon déroulement en matière d'hygiène, de salubrité et de tranquillité publique. L'article 6 de ce décret donne également la latitude au wali d'interdire tout simplement « toute manifestation qui constitue un danger pour la sauvegarde de l'ordre public et en informer les organisateurs ». Cela étant dit, bien que le législateur ne fait aucune allusion à un quelconque culte étranger, il est loisible de deviner qu'il s'agit d'un texte ciblant principalement le prosélytisme des évangélistes. En effet, depuis quelques années, la campagne d'évangélisation défraye la chronique nationale au point de susciter une grosse polémique sur son ampleur et sa propagation géographique. La Kabylie est ainsi citée — à tort ou à raison — comme le fief de prédilection de ces prosélytes en herbe. Sous couverts de tourisme, d'activités humanitaires et autres partenariats associatifs, des missionnaires — sans soutanes — s'adonnent à une évangélisation, y compris dans certains villages. Des écoles et autres locaux désaffectés font office de chapelles et de petites églises où sont célébrées les messes. Mais le phénomène est loin d'être circonscrit à la Kabylie. La pratique du prosélytisme évangéliste au sud du pays passe pour un fait de société presque normal d'après certaines sources. Ce sont justement ce genre de manifestations à l'ombre de la loi que les autorités entendent bannir à travers ce décret afin de pouvoir éviter d'éventuels dérapages dans la pratique religieuse. Il y a lieu de préciser que la communauté catholique est la minorité religieuse la plus représentée en Algérie. Elle est estimée à quelque 11 000 fidèles, selon les statistiques du ministère des Affaires religieuses.