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Danger de mort !
SKIKDA
Publié dans El Watan le 30 - 10 - 2004

En ce début d'année, El Watan avait rapporté la situation catastrophique dans laquelle vivaient 13 familles qui occupent à ce jour l'immeuble situé au 6, rue Hippocrate, communément appelé Dar Jelloul.
Une vieille bâtisse qui surplombe Houmet Ettalyène (Quartier napolitain) l'un des grands quartiers populaires de Skikda. S'en était alors suivi un branle-bas de combat et l'ensemble des autorités locales avaient délégué leurs émissaires sur les lieux pour constater, une fois encore, la catastrophe. Des aveux ont été faits aux habitants, des compassions et aussi des promesses. Tout le monde s'était accordé à décrire la situation de « désastreuse » et de juger de la nécessité d'entreprendre des mesures d'urgence. On a même rédigé des tas de rapports alarmants, qu'on a par la suite remis dans les tiroirs poussiéreux de l'administration en s'abstenant d'intervenir et de venir en aide à ces citoyens. Entre temps, l'immeuble assez désagrégé n'a pas cessé de se détériorer. Et ce qui devait arriver arriva. Samedi dernier, le plancher en ruine de l'appartement situé au 1er étage n'a pas supporté le poids de l'insouciance des responsables et s'est totalement affaissé. La locataire de l'appartement, Mme Halima Rouague, mère de quatre enfants a échappé de justesse à une mort certaine. Elle a accompagné l'affaissement du sol en chutant et s'est retrouvée, au rez-de-chaussée qui n'est en fait qu'une cave insalubre pleine de rats et d'eaux usées. Elle raconte sa mésaventure : « J'étais en train de préparer le tour comme d'habitude quand, soudain, j'ai senti un craquement et avant de pouvoir réagir je me suis retrouvée en bas dans le noir. J'étais choquée, je croyais que tout l'immeuble m'était tombé sur la tête. Je me suis agrippée à une poutrelle en bois, je paniquai. La seule chose que je pouvais atteindre de mes mains, c'était le pied de ma vieille garde-robe, mais je n'osais pas, car dans ma peur je savais que si je m'appuyais sur ce meuble, je risquais de faire craquer le reste de mon plancher. Je criais de toutes mes forces, je voulais ressortir, heureusement que les pompiers sont intervenus à temps. Ils m'ont fait ressortir pour m'emmener à l'hôpital. » Elle garde encore les séquelles de sa chute tout en exposant le bulletin établi par l'hôpital. Elle poursuit : « Heureusement que les enfants étaient à l'école car si ma petite fille de six ans était tombée à ma place, elle n'aurait pas survécu. » Halima parle comme on récite un texte, tellement elle n'a pas cessé depuis plus de deux années de raconter sa peur et sa misère. Sa situation est vraiment indescriptible, tout comme sa demeure. Il faudrait le voir pour le croire. Et quand on voit, on ne peut alors s'empêcher de se demander si la vie humaine a vraiment une valeur dans cette ville. L'appartement de Halima n'a plus de plancher depuis plus de deux années déjà et, comme elle le dit avec une légère désinvolture, « tous les responsables le savent. Pour passer à la deuxième chambre dont le plancher s'est affaissé samedi dernier, il faut traverser la cuisine en risquant d'effondrer l'estrade formée de bouts de bois bricolés et qui servent de passerelle. Regardez, je n'ai aucun endroit sûr pour préparer à manger et si je m'amuse à faire bouger ma cuisinière ou un autre meuble, je sais que tout risque de s'écrouler sur moi. » Et c'est peu dire, car l'appartement de Halima n'est désormais plus qu'un ensemble de murs lézardés avec juste quelques mètres carrés de sol qui tiennent encore. Le reste, c'est un immense trou noir qui donne sur une ancienne boulangerie désaffectée et qui forme aujourd'hui un réceptacle pour les rongeurs et autres excréments. Halima continue de raconter son histoire : « Le lendemain de mon accident, j'ai fait le tour des administrations en traînant mon pied blessé. A l'APC, des agents m'ont dit qu'il fallait aller plutôt exposer mon cas à la wilaya. A l'OPGI, on m'a fait comprendre que l'office ne s'occupe que des réfections et pas de recasement. Au CTC, on s'est empressé de venir faire un nouveau constat. A la daïra, on ne m'a même pas laissé entrer. » Depuis elle est revenue à sa maison, couvant ses enfants et attendant à chaque instant le pire. Elle nous montre ses murs, « ses » cafards, « ses » souris sans état d'âme. « La nuit, je vous jure que nous entendons les craquements des poutrelles et des murs. A chaque passage des fourgonnettes du transport public ou du camion à benne de l'APC, l'immeuble vibre. » L'immeuble, un ancien hôtel, ressemble en réalité à une tour de Pise locale. En y pénétrant, on ressent un léger déséquilibre et l'on sent aisément l'absence de toute perpendicularité. En plus, tous les appartements commencent déjà à accompagner les dégâts du rez-de-chaussée et du premier étage : fissures, plancher déformé, plafond abîmé... L'effet d'enchaînement finira par tout emporter. Et avec l'approche de la saison des pluies, le pire est vraiment à craindre. Les autorités sont une fois encore interpellées quant au danger qui guette plus de 70 personnes qui habitent l'immeuble. Mais pour la situation de la famille de Halima, c'est incontestablement un cas avéré de non-assistance à personne en danger ». Mais en ce mois de piété, osons tout de même espérer que nos responsables daigneront enfin aller rendre visite à cette dame. Et quand ils auront vu.....

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