Face à deux vieilles villes en ruine, la volonté politique et l'argent de la restauration manquent. Quand ces derniers sont réunis, c'est la bêtise humaine, à travers des travaux de restauration et d'entretien bâclés ainsi que des eaux mal évacuées, qui rend ces interventions un simple gaspillage de deniers publics. àConstantine, la majorité du parc immobilier est considéré comme de vieux bâtis. Faute de maintenance régulière de la part des locataires et des propriétaires, dont l'OPGI, en plus de la vétusté des canalisations d'eau et du réseau d'assainissement, les vieilles bâtisses sont dans un état de délabrement avancé. En effet, la majorité des bâtisses de la rue Belouizdad (ex-Saint-Jean) sont dans un état de délabrement avancé. Le problème des fuites d'eau a favorisé le phénomène de glissement de terrain. Des centaines de familles résidantes dans ce quartier, situé au centre-ville, sont menacées au quotidien par les effondrements des bâtisses. Rappelons que l'imposant immeuble, situé au cœur de ce quartier, appelé communément “l'Immeuble Cadeau”, a été démoli et qu'un autre, situé à quelques mètres de ce dernier, est classé menaçant ruine. Ce dernier n'a pas été démoli et n'a pas bénéficié d'une opération de restauration jusqu'à présent ! Les locataires des deux bâtisses ont été relogés au niveau de la nouvelle ville Ali-Mendjli. Les bâtiments de Djouad-Tahar (ex-Laloum), à Belle-Vue, construites en 1925, sont dans un état de vétusté avancé. Plusieurs cages d'escalier sont dans un état critique et les terrasses des 8 immeubles n'ont pas bénéficié d'opérations d'étanchéité depuis des dizaines d'années, ce qui a provoqué le problème d'infiltration des eaux de pluie et du coup l'effondrement des plafonds des appartements des derniers étages. À Chaque saison des pluies, les habitants sont angoissés et ont peur des effondrements des plafonds et des fissures des murs. Un vieux bâti sur sept… menace ruine La vieille ville de la capitale de l'est du pays, qui englobe un grand nombre de vieux bâtis où résident plus de 20 000 âmes, est composée d'une partie haute et d'une autre basse. Dans la partie haute, on retrouve des immeubles de style classique et néoclassique, à savoir ceux situés au niveau des rues de la Casbah, du 19-Juin et de Larbi-Ben-M'hidi. Dans la partie basse, qui a conservé son caractère arobo-musulman, en l'occurrence Souika, Rahbat Essouf, R'cif, Sidi Djlis, Rabeiine-Cherif, vie au rythme des effondrements depuis des décennies. Alors que des centaines de maisons traditionnelles, appelées communément “diar a'rab”, qui composaient plusieurs îlots, sont tombées en ruine, depuis les années 1980, d'autres constructions risquent de s'effondrer à tout moment. Notons que 30% seulement des bâtisses de la vieille ville sont en bon état, alors que la majorité des maisons sont dans une situation critique et classées “menaçant ruine”. Il est à signaler qu'un autre facteur humain a contribué dans la détérioration du tissu urbain de la vieille ville. Il s'agit de certains locataires qui ont détruit eux-mêmes des maisons traditionnelles, afin d'obtenir des appartements modernes. Selon une enquête effectuée en 2004, ce sont pas moins de 35% des bâtisses de la veille ville qui sont dans un état médiocre. Au même moment, plus de 20% des maisons sont menacées par le danger d'effondrement. Pour sauvegarder les vieilles bâtisses, trois projets sont lancés depuis le mois d'avril passé. Elles concernent des maisons situées au niveau des rues Mellah-Slimane, Abdesselam-Bekhouche et Saïd-Bentchicou. “Les projets de réhabilitation seront efficaces s'ils touchent un plus grand nombre de maisons et le plutôt possible”, indique un architecte. Sachant que le dernier bilan de la Protection civile de la wilaya fait état de 6 veilles bâtisses, où résident 159 personnes, situées au niveau des rues Bachtarzi, à proximité de la place Rahbat Essouf, Rahma-Abdelhamid, Khareb-Saïd à la Casbah, H'mida-Bentellis, Rahma-Abdelhamid et Abane-Ramdane, qui sont menacées par l'effondrement. Réhabilitation ou “rafistolage” ? Des opérations de réhabilitation du vieux bâti ont été lancées par les services de l'OPGI à travers plusieurs quartiers et grandes artères de la ville durant les dernières années. En effet, un programme de réhabilitation a vu le jour en 2 000, financé à 60% par l'état en plus de la contribution de l'OPGI et des locataires à hauteur de 20% chacun. Mais ce programme, selon des experts et des habitants d'immeubles qui ont bénéficié dudit programme, n'a pas été à la hauteur de leurs attentes. Certains experts ont qualifié la majorité des travaux de réhabilitation de “rafistolage”, puisqu'ils n'ont pas été effectués selon les normes et la rigueur exigée. D'autres professionnels considèrent, carrément, les opérations de réhabilitation comme “raccommodages”, qui ne garantissent pas la longévité des travaux. “Vous pouvez constater de visu la mauvaise qualité des travaux de réhabilitation effectués, depuis l'année 2000, dans plusieurs immeubles de la ville”, nous a lancé un habitant du quartier du 19-Juin. Ainsi, de nombreuses réserves ont été introduites auprès des services techniques de l'OPGI, à l'instar de ceux des locataires du bâtiment n° 6 Djouad-Tahar. Ce dernier a bénéficié d'une opération de réhabilitation durant l'année 2002. Les habitants des 17 appartements ont contribué avec la somme de 8 000 DA chacun, soit 20% du coût global de ladite opération. Mais grande fut leur déception une fois les travaux achevés. Des plafonds entiers ont cédé sous le poids des infiltrations des eaux pluviales, des dégradations au niveau des cages d'escalier et de l'encadrement des fenêtres ont été enregistrées. Depuis, rien n'a été fait. Et se sont les habitants qui ont payé les factures salées. “Nous avons adressé une lettre aux services concernés d'OPGI de Constantine où nous avons signalé que lesdits travaux peuvent être à l'origine de risques graves pouvant mettre en danger la vie des familles”, nous a déclaré un habitant du dernier étage. Il est à signaler que les services d'OPGI de Constantine lanceront, prochainement, la deuxième tranche de réhabilitation qui touchera 55 immeubles des rues de Aouati-Mostefa, El-Kantara et 19-Juin qui coûtera 8 milliards de centimes sans garanties de réussite. Un patrimoine impossible à réhabiliter à Annaba Les rares opérations de restauration et de réfection qui sont initiées par les propriétaires à Annaba, souvent dans l'urgence et sans études préalables, risquent de dénaturer l'originalité de la vieille ville. La place d'Armes, quartier du centre d'Annaba agonise. Véritable poumon de la ville, dont elle est partie intégrante, la médina est en train de crouler sous le poids des ans. Certaines des habitations qui la constituent risquent à chaque instant d'ensevelir sous leurs gravats des familles. La menace a été signalée depuis longue date par l'Association des amis de la vieille ville, mais on n'a enregistré, jusqu'ici, que des réactions timides de la part de la municipalité et de la wilaya. Il est vrai que l'effort de préservation et de réhabilitation du patrimoine immobilier de la place d'Armes nécessite des fonds importants, la majeure partie des habitations datant de plus de deux siècles. Il est également vrai que pour ce faire, il aurait fallu déloger leurs occupants, dont certains ont hérité des lieux de père en fils depuis des générations. L'Office communal de restauration et d'aménagement de la vieille ville d'Annaba (Ocrava), en vue de la préservation et la réhabilitation de ce site afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle économique, culturel et touristique, a donné des preuves de sa mobilisation. Sa mission est si ardue qu'elle paraît impossible. La vieille ville s'étale, en effet, sur une superficie de 15 hectares et compte 655 vieilles bâtisses dont certaines conservent encore leur aspect architectural arabo-islamique. Il faut noter que sur l'ensemble des habitations en question, 204 pourraient être restaurées mais à des coûts trop élevés pour l'office. Seuls 57 immeubles menacent irrémédiablement ruine et devront être totalement rasés. De plus, les trois quarts des constructions de la vieille ville appartiennent à des particuliers, une situation qui constitue, d'ailleurs, la principale contrainte entravant tout financement, aux frais de l'Etat, d'opérations de restauration destinées à la réhabilitation de ce site. La vieille ville est exposée, signale-t-on au niveau de l'office, aux infiltrations des eaux ainsi qu'aux difficultés d'accès à certaines constructions en raison des spécificités architecturales propres aux vieilles cités dans le monde. Les rares opérations de restauration et de réfection qui sont initiées par lesdites familles, souvent dans l'urgence et sans études préalables, risquent de dénaturer l'originalité de la vieille ville et de retarder sa réhabilitation dans la forme souhaitée par les spécialistes du domaine. La problématique du vieux bâti et des habitations précaires ne se pose, malheureusement, pas à ce seul quartier de la ville d'Annaba, mais à toute la wilaya où on ne dénombre pas moins de 60 000 unités, toutes vouées à la démolition ou à la ruine immédiate, dont près du 10e est recensé au niveau de la ville chef-lieu. Dans la majorité des cités et quartiers à forte concentration de populations de cette commune, de nombreux habitants sont confrontés aux risques à court ou moyen terme d'écroulement de leur logement. Ces cités et quartiers datent du début du siècle dernier. Il s'agit notamment du vieux bâti du cours de la Révolution, de l'avant-port, de Djabanet Lihoud, de la Colonne, du quartier des Mhaffeur. Le recensement en cours du vieux bâti par l'Ocrava, particulièrement l'opération d'expertise qui a été confiée au CTC Est, permettront, espère-t-on au niveau de la Direction de l'urbanisme, d'avoir une idée précise sur l'état des lieux au moins à Annaba. Une idée seulement car pour ce qui est de réhabiliter ce patrimoine, somme toute important pour la municipalité, il faudra de l'argent, beaucoup d'argent. A. A./A. B.