Les télévangélistes anglo-saxons ont été les précurseurs, dans les années 70 déjà, bien avant que le cheikh égyptien Karadhaoui trône sur El Djazeera à dire le bon usage (politique) de l'Islam et donner son onction à la barbarie intégriste. La guerre des images télévisuelles pour la promotion des religions – voire leurs lectures propagandistes - doit faire avec un nouvel acteur de la communication mondialisée : le pape Benoît XVI. Non pas que le souverain pontife soit le premier à se consacrer avec fougue aux vertus de la conquête des esprits par la télévision, puisque son prédécesseur, Jean-Paul II, a vu en les médias « le principal forum du monde moderne », selon son expression. Et il en a été longtemps sacré en superstar, couronnement d'un style où la spontanéité face à la caméra lui a permis d'orchestrer ce que l'on a appelé « une communication très autocentrée ». Un journaliste du quotidien italien La Republica a eu cette formule pour caractériser la méthode de communication publique de Jean Paul II : « C'est en approchant les foules, en abandonnant l'image solennelle de ses prédécesseurs, que Jean-Paul II a contribué à fonder un néochristianisme mass médiatique ». Le produit en a été ces messes mondialisées via les télévisions de Journées de la jeunesse, de Pape skieur, mais aussi d'années de souffrances avant son décès. La nouveauté introduite par le pape actuel tient d'un autre art de faire, aux techniques moins flamboyantes que celles de Jean Paul II. Ainsi trois jours avant la sortie de son livre Jésus de Nazareth, sa promotion en a été copieusement faite en direct à la télévision vaticane. Miracle d'agenda : ce jour-là a daté aussi son anniversaire. Et le second de son pontificat. Des extraits de bonnes feuilles ont été publiées par le Corriere della Sera en Italie et par Die Zeit en Allemagne, pays d'origine de Benoît XVI. Cependant il marque une nette distance par rapport aux choix de son prédécesseur, pour rompre avec ce que d'aucuns ont perçu comme de la « papolâtrie ». Depuis son investiture il rationne ses apparitions. Le long de sa première année de pontificat, comptabilité lui a été faite d'un nombre de discours deux fois moindre par rapport à Jean Paul II. Avec les journalistes il fait organiser des rapports nettement moins serrés. Un journaliste italien en brosse ainsi la stratégie : « Avec Benoît XVI, la parole redevient élément central et médium privilégié entre le pape et le monde. Ce ne sont plus aux gestes ou aux images de créer l'événement, mais au discours, qui s'articule, s'élabore, sans effets, et qui finalement supporte mal les synthèses médiatiques, la polémique autour de Ratisbonne en étant l'exemple éclatant ! » Justement Ratisbonne, ce mémorable 12 septembre 2006, où fut prononcé son discours à l'université autour du thème de la foi et de la violence, Benoît XVI a provoqué un tollé dans l'aire musulmane par sa citation de propos exprimés, en 1425, par l'empereur byzantin Manuel II Paléologue à un érudit persan : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau. Tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait. » Bien entendu ces propos, et l'image du pape, ont vite fait le tour de la terre. Par de nombreuses expressions publiques il s'est efforcé d'accréditer, suite à ce grave impair, la thèse de « faillibilité » du pape. De « faillibilité » justement : une nouvelle controverse sur le rôle de l'Eglise pendant la deuxième guerre mondiale fait évènement en interpellant Benoît XVI quant à sa décision de donner son feu vert, ou non, à la béatification de Pie XII. Des travaux d'historiens ont établi des liens de connivence entre cet ancien pape et le fascisme italien et le nazisme. Il revient à Benoît XVI de signer le décret approuvant "les vertus héroïques de ce serviteur de Dieu" ; après avoir, en mars dernier, affirmé que Pie XII a été « Un don pour le XXe siècle ». Voilà une nouvelle bataille d'images pour laquelle le souverain pontife aura moins de ressources tant elle est ardue à mener via les réseaux mondialisés pour contrer notamment des ligues antisémites américaines.