L'unique transformateur de tomate industrielle de la wilaya de Guelma, CAB Benamor, a fermé, il y a quelques jours, son usine de transformation située dans la commune d'El Fedjoudj (wilaya de Guelma), juste une semaine après l'avoir mise en service. Guelma . De notre corespondant Sa première usine de Bouati Mahmoud (w. Guelma) ne tournant qu'à 20% de ses capacités risque de subir le même sort, car subissant un manque en tomate fraîche à la production. La sonnette d'alarme est bel et bien tirée. Allons-nous vers le déclin de la tomate industrielle dans la région de Guelma avant son essor ? Brahim Benamor, directeur général de cette entreprise familiale, pense que oui, sauf si les cultivateurs de la région rompent définitivement avec les méthodes de culture traditionnelle pour des techniques agronomiques qui ont fait leurs preuves sur champ expérimental. Une alternative qui mériterait, selon lui, toute l'attention de la part des cultivateurs. Il y va, nous dit-il, de la survie de ce secteur. Banqueroute de la politique actuelle A ce propos, il nous dira : « Nous avons signé, pour cette campagne 2006-2007, des conventions tomate industrielle, promoteur - transformateur, avec 292 cultivateurs couvrant une superficie de 1289,5 ha à travers les wilayas de Annaba, Skikda et Guelma. Nous nous engageons cette saison à réceptionner la marchandise à raison de 12 DA/kg. L'Etat nous verse une prime de 1 DA/kg dans le cadre d'un soutien et incitation financière à la transformation de notre tomate industrielle nationale. Néanmoins, les agriculteurs ne sont pas tenus de nous fournir leur production à ce prix, ils peuvent l'écouler à meilleur coût sur le marché public, bien qu'ils soient, eux aussi, bénéficiaires d'un soutien par action plafonné à 10 000 DA/ha travaillé et 1,5 DA/kg comme prime de production et incitation financière à la production de tomate industrielle. La convention qui nous lie en est la preuve, puisque dûment visée par le subdivisionnaire de l'agriculture, et nous permettra de toucher ces aides », et ajoutera : « Nous proposons à nos partenaires agriculteurs une nouvelle perspective qui tend à augmenter significativement leur rendement de tomate à l'hectare en optant pour la technique du goutte-à-goutte. Cette dernière assurera le double, sinon le triple des rendements réalisés avec l'irrigation traditionnelle ou par aspersion, mais encore à travers notre station expérimentale de tomate d'El Fedjoudj, nous leur proposons un accompagnement technique pour mener à bien leur plan de culture ainsi que des plants et semences qui ont donné à notre niveau des résultats probants. » Y a-t-il péril en la demeure ? La filière tomate industrielle risque-t-elle de disparaître ? La loi implacable des chiffres est là pour le démontrer. Des 29 transformateurs qui existaient à l'échelle nationale, il n'y a pas si longtemps, il n'en resterait que 17, concentrés à l'est du pays, eux aussi en passe de mettre la clé sous la porte. Les raisons de cette banqueroute sont l'absence d'une politique agricole nationale franche, non pas un soutien dans toute sa démesure à coups de milliards de dinars, mais d'accompagnement technique, vulgarisation et assainissement définitif du foncier agricole pour les milliers d'agriculteurs qui constituent le premier maillon indispensable pour la pérennité de cette filière. Selon Fadel Zoubir, spécialiste en la matière et consultant agronome à Guelma, il faudrait augmenter le rendement par hectare et diminuer le coût des charges que subissent les cultivateurs de tomate. Aujourd'hui, ce coût est évalué entre 5 et 6 DA/kg récolté pour un investissement de 200 000 DA/ha travaillé avec une semence hybride. La généralisation de l'irrigation localisée (goutte-à-goutte) permettra non seulement une utilisation rationnelle des ressources hydriques mais un rendement optimal de plus de 500 q/ha, contre 150 à 250 q/ha en aspersion à Guelma. L'accompagnement technique des cultivateurs pour le choix des semences et plants, ainsi que leur mise en motte sont indispensables. La vulgarisation à outrance en est la clé. Nos voisins tunisiens et marocains ont bien compris le rôle stratégique de la tomate dans l'industrie agroalimentaire dans leur pays. L'ITCMI et la DSA ont-ils échoué dans leur mission ? Nous noterons également à titre informatif que la consommation de concentré de tomate (ingrédient nécessaire dans la cuisine nationale) est passée de 0,40 kg/ habitant/an au début des années 1960 à 4 kg durant les années 1990, pour atteindre en moyenne 10 kg ces deux dernières années. Il est vrai que pour circonscrire cette demande accrue, la direction des services agricoles (DSA) et l'Institut technique des cultures maraîchères et industrielles (ITCMI) ont mis en action un plan de vulgarisation et d'accompagnement des agriculteurs durant les années 1990, ayant pour but la maîtrise de l'itinéraire technique, tel le repiquage des plants et la densité par hectare à respecter, le désherbage chimique des pépinières et des parcelles réservées à la tomate industrielle et les techniques d'arrosage ainsi que le fameux contrôle des semences et leur expérimentation avant leur mise sur le marché. Ces organismes ont-ils échoué dans leur mission ? Certainement oui, mais ils ne sont pas les seuls, car la responsabilité est collégiale, diront certains. L'impact de cet échec se répercute déjà sur les nombreuses familles qui en vivaient. Les 26 000 ha réservés à cette culture jusqu'à 2004 ont été réduits de nos jours à 10 000 ha. Cette reconversion en d'autres cultures est certes quantifiable, mais son abandon n'a aucun prix vu que la tomate industrielle est avant tout un investissement stratégique.