Vivant ou mort, Yasser Arafat dérange les plans de Sharon, le Premier ministre palestinien. L'évocation de l'inhumation du président de l'Autorité palestinienne à El Qods, où se trouve la mosquée Al Aqsa - le troisième lieu saint de l'Islam après La Mecque et Medine - conformément à la volonté de Arafat d'être enterré dans la ville sainte annexée par Israël en 1967, est devenue, après l'évolution subite de la maladie du dirigeant palestinien et les nouvelles pessimistes de ces dernières heures autour de son état de santé, une véritable affaire relevant de la raison d'Etat pour le cabinet israélien. Les déclarations des dirigeants israéliens, avec à leur tête le Premier ministre israélien ainsi que le ministre de la Justice appelé à la rescousse pour confirmer l'« illégalité » d'un tel acte, se sont multipliées pour opposer un refus catégorique à la demande palestinienne d'inhumer le président Arafat à El Qods. « Tant que je serai au pouvoir et je n'ai pas l'intention de le quitter, il (Arafat) ne sera pas enterré à Jérusalem », a déclaré sur un ton ferme le Premier ministre israélien. La présidence du Conseil israélien a confirmé jeudi la volonté d'Israël de ne pas céder sur cette question autrement stratégique pour l'Etat hébreu qui fait de Jérusalem « la capitale éternelle d'Israël ». Accepter d'accueillir la dépouille du dirigeant palestinien dans ce lieu saint que revendiquent également les juifs pour abriter le dôme du Rocher, c'est reconnaître explicitement ce contre quoi Israël se bat depuis toujours quelle que soit la coloration du gouvernement au pouvoir, à savoir que Jérusalem, capitale biblique d'Israël, est une et indivisible. Faire une entorse à ce commandement en permettant d'accueillir Arafat dans cette ville sainte pour son repos éternel, c'est, d'une certaine manière, reconnaître que les Palestiniens ont des droits historiques et inaliénables sur cette ville. C'est que Arafat n'est pas n'importe quel dirigeant palestinien pour que Sharon accepte allègrement de se résoudre au nom de la culture du respect des morts qui est une valeur partagée de toutes les religions révélées à ce qu'il soit enterré là où Arafat a toujours voulu que son âme repose : El Qods. Dans ses déclarations destinées à l'opinion internationale, principalement au monde arabe et islamique, le président Arafat n'omettait jamais de rappeler ce vœu le plus cher qui l'habitait au fond de son âme, celui de se rendre à la mosquée d'El Qods pour y prier le jour de la libération de la Palestine qu'il disait toujours proche. Le vœu ne sera pas exaucé même pour son repos éternel. Ainsi en a décidé Sharon. Et pourtant, Arafat avait tout prévu pour cela. Il a hérité de sa famille d'une parcelle de terre dans la partie est d'El Qods où il espérait être enterré. Il lui reste deux options : Ramallah ou Gaza sur lesquelles les Israéliens ne devraient pas théoriquement s'opposer au risque de donner à leur refus la dimension d'un bannissement en règle ; un geste que la communauté internationale ne verrait pas d'un bon œil. Une sœur de Arafat est déjà enterrée dans la bande de Gaza. Une autre option qui ne déplairait pas également aux Israéliens, c'est de voir le leader palestinien enterré hors de la Palestine, dans un pays arabe, comme le fut Abou Djihad, l'ex-numéro deux de l'Olp assassiné par un commando palestinien à Tunis et enterré à Damas.