Son nom se confond avec la cause de son peuple. Deux tiers de sa vie ont été consacrés au combat de libération de la Palestine. Sa mort n'a laissé personne indifférent, y compris son pire ennemi, Ariel Sharon. Le 11 novembre 2004, disparaissait à jamais l'homme au keffieh. Il symbolisait aux yeux du monde la lutte d'un peuple, combattant pour sa liberté. De 1958, date de la création du Fatah, premier mouvement de libération de la Palestine, à sa mort, Yasser Arafat aura laissé une marque indélébile dans la mémoire des hommes. À l'instar d'Ernesto “Che” Guevara ou Nelson Mandela, l'image de Yasser Arafat était devenue celle du combat pour la liberté. Il aura forcé ses pires ennemis à s'asseoir autour d'une table de négociations, faisant avancer un processus de paix dont les chances de concrétisation étaient nulles. Une conviction inébranlable Avec la bénédiction de la majeure partie de la communauté internationale, son pays, la Palestine, a été rayé de la carte géographique. Des millions de ses compatriotes chassés de leur terre deviennent des réfugiés. C'est l'une des plus grandes injustices de l'histoire. Le silence complice des nations ne pouvait enterrer définitivement tout un peuple. Il est brisé dix années plus tard par des révolutionnaires, avec, à leur tête, un certain Abderrahmane Arafat Al Qodwa Al Husseïni, que le monde connaîtra plus tard sous le pseudonyme de Yasser Arafat. La création du Fatah n'est que la suite logique de la détermination de cet homme à combattre l'occupation de la Palestine. En 1948, il abandonne ses études à l'université du Caire pour aller se battre aux côtés de ses frères à Jérusalem contre l'occupant. La défaite consommée, il ne se résigne jamais à baisser les bras. Ses études d'ingénieur en travaux publics achevés, il se remet à l'ouvrage en réactivant la résistance. Son entourage est composé de combattants convaincus de la justesse de leur cause. Son charisme aidant, il force la sympathie des peuples épris de liberté. Reçu dans les grandes capitales du monde, il devient le symbole de la lutte des Palestiniens pour le recouvrement de leurs droits spoliés par l'Etat hébreu. La lutte armée, puis… le dialogue Après avoir prôné la lutte armée pour libérer la Palestine, Arafat entame, avec beaucoup de courage, un tournant capital dans sa démarche en se présentant en 1974 devant l'Assemblée générale de l'ONU avec un rameau d'olivier dans la main droite, en signe de volonté de paix. Il a alors supplié la communauté internationale de ne pas le laisser tomber de sa main, en l'aidant dans sa démarche vers la paix. Malheureusement, Israël a mis énormément de temps à saisir cette chance inespérée. La violence prend alors le pas sur le dialogue et les Palestiniens vécurent les pires moments de leur histoire après ceux de 1948, à l'intérieur et à l'extérieur des territoires occupés. Les tristement célèbres “boucheries de Sabra et Chatilla et Bordj Al Baradjnah”, à Beyrouth en 1982 sous la direction du sanguinaire Ariel Sharon, en sont la meilleure illustration. Néanmoins, l'arrivée des travaillistes au pouvoir en Israël permet de renouer le dialogue pour aboutir aux accords d'Oslo en 1993 et la création de l'Autorité palestinienne. Yasser Arafat rentre au pays et se fait élire, au suffrage universel, président. Camp David 2000, l'espoir non concrétisé L'avènement d'Ehud Barak au pouvoir a laissé entrevoir de sérieuses chances de conclusion d'un véritable accord de paix entre les deux parties. Yasser Arafat accepte les propositions du Chef du gouvernement israélien mais, contre toute attente, les discussions achoppent sur la question de la capitale du futur Etat palestinien. Le sacrifice du leader de l'OLP, qui a fait d'énormes concessions en disant oui, n'est pas récompensé en retour. Les Américains et les Israéliens n'ont pas accepté la création de cet Etat sur les territoires de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, avec la partie arabe de Jérusalem comme capitale. Cet échec n'allait pas rester sans conséquence sur le processus de paix. Exaspérés par l'attitude négative d'Israël, les dirigeants palestiniens relâchent leur contrôle sur la rue. Ce qui devait arriver arriva avec le déclenchement de la seconde Intifadha en septembre 2000. Sharon déclenche la seconde Intifadha Le deuxième soulèvement populaire des Palestiniens a trouvé son origine dans la visite de provocation d'Ariel Sharon sur l'esplanade des mosquées d'El-Qods. Le boucher de Sabra et Chatila a atteint son objectif en stoppant net le processus de paix. Six mois plus tard, en février 2001, Sharon est élu Premier ministre au grand dam des partisans de la paix dans les deux camps. Son arrivée au pouvoir favorise l'escalade de la violence. Sa politique de destruction de toutes les infrastructures civiles et politiques palestiniennes poussent Yasser Arafat à radicaliser sa position. À son extrémisme, les mouvements palestiniens répondent par les attentats suicide, qui sèment la terreur en Israël. Se croyant protégés jusque-là, les Israéliens vivent alors les plus durs moments de leur existence. Même en temps de guerre avec leurs voisins, ils n'ont pas ressenti autant de frayeur. En effet, les kamikazes des Brigades des martyrs d'El-Aqsa et de Ezzedine El-Qassam sèment des scènes de violence insupportables un peu partout en Israël. Terrorisés, les Israéliens ne supportent plus ce climat de violence. Une pression est alors exercée sur leur Chef du gouvernement afin qu'il trouve une issue à cela. C'est alors qu'il engage la construction du mur de séparation tout au long de la frontière avec la Cisjordanie et lance l'idée de désengagement de la bande de Gaza, dans l'espoir de se protéger contre les actions des groupes armés palestiniens. Arafat, incontournable Appuyé par les Etats-Unis, son inconditionnel allié, Ariel Sharon, tente d'imposer “sa paix” en isolant Yasser Arafat sur la scène internationale. Pensant trouver aisément un autre interlocuteur parmi la direction palestinienne, le président américain et le Premier ministre israélien essayèrent vainement de convaincre les grandes capitales mondiales de la nécessité de mettre en “quarantaine” le patron de l'OLP, arguant qu'il constitue, selon eux, le principal blocage pour la conclusion de la paix au Proche-Orient. Toutes leurs tentatives furent infructueuses. Non seulement aucun Palestinien n'accepta de parler en l'absence de Arafat, qui continuait à être la source de décision dans les négociations, l'Union européenne persistait à reconnaître le président de l'Autorité palestinienne comme le représentant légitime de son peuple. Se retrouvant dans une impasse, Israël fait cavalier seul en imposant au monde des solutions sortant du cadre de la feuille de route du quartette international. Seule la disparition de Yasser Arafat pouvait faire avancer les projets de Sharon. Maladie, décès et accusations d'empoisonnement Subitement, l'état de santé du président palestinien se détériora en octobre dernier au point de nécessiter un transfert vers l'étranger pour des soins plus approfondis. À l'hôpital militaire français de Percy, les spécialistes ne trouvèrent pas d'explications à cette maladie mystérieuse. Pis, ils ont été incapables de la déterminer avec exactitude. Après deux semaines d'hospitalisation, Yasser Arafat rend l'âme. C'est alors que les doutes d'un empoisonnement de Yasser Arafat se transforment en accusations contre l'Etat hébreu. Le médecin personnel du raïs y a mis son grain de sel, en déclarant qu'en vingt ans de présence auprès de Yasser Arafat, il n'avait jamais décelé le moindre symptôme pouvant provoquer une maladie d'une telle gravité et aux origines inconnues. Le dossier médical du président de l'Autorité palestinienne est actuellement entre les mains d'experts palestiniens qui tentent de le décortiquer dans l'espoir de trouver des explications scientifiques à cette mort subite, pour calmer le peuple, plus que jamais convaincu de la thèse de l'empoisonnement. L'hommage du monde La nouvelle de la disparition de Yasser Arafat polarise l'attention du monde entier. Les hommages pleuvaient de partout, reconnaissant le mérite de cet homme, qui fut le leader de la lutte de son peuple pendant un demi-siècle. Il représentait le militant inlassable pour la libération d'un pays, la Palestine. À l'exception des Etats-Unis et d'Israël, la communauté internationale entière compatit à la peine du peuple palestinien. Des obsèques d'Etat eurent lieu au Caire, avant qu'il ne soit inhumé dans “sa Mouqataâ” de Ramallah dans des scènes de deuil indescriptibles. En cinquante ans de combat contre l'occupation, ses compatriotes n'ont connu que lui comme leader de leur cause. Maintenant, la concrétisation du rêve de voir la Palestine reconnue comme un Etat est toute proche. La mort de Arafat accule George Bush et Ariel Sharon, qui le considéraient comme l'obstacle à la paix. Désormais, ils n'ont plus aucun argument pour retarder l'émergence d'un Etat palestinien. K. A.